vendredi 2 avril 2010

Je suis un pâté chinois

Ça y est. C'est aujourd'hui que ça a commencé pour vrai. Je suis sorti dehors, sans bottes, sans manteaux, sans souci.

On oublie souvent que ce n'est pas la norme, s'enfermer comme ça dans nos maisons pendant tout l'hiver ou, pire, s'enfermer dans d'épaisses couches de vêtements afin de se donner l'impression d'être à l'extérieur quand au fond, nous restons bien enfermés dans nos cocons protecteurs. En effet, un peu partout sur notre planète, ce besoin de se créer une carapace, un emballage, n'est pas nécessairement présent.

J'ai des souvenirs très précis d'avoir regardé, enfant, fasciné, des reportages sur des tribus africaines pour qui l'extérieur et l'intérieur ne semblaient être qu'une seule et même chose. J'enviais cette absence de besoin de protection. Des portes? Pourquoi faire? Dans la hutte, devant la hutte, loin de la hutte, c'est du pareil au même. Des vêtements? Qu'en faire, vraiment? Tout nu, on est tellement bien. Peu importe ce qu'en penseront les designer de mode. Les boules à l'air, la graine à l'air, tout a donc l'air plus simple.

Je voulais, moi aussi, vivre sans avoir à me contenir.

Un reste de, je ne sais pas, moi, disons, de pâté chinois, ça peut rester tranquille (c'est pour ça qu'on appelle ça «un reste», non?) dans un Tupperware pendant une certaine période, mais si on attend trop, la moisissure s'installe. À l'ouverture du contenant, une odeur désagréable envahit nos narines. Le pâté chinois, resté enfermé trop longtemps, se gaspille. On doit le balancer à la poubelle.

Par contre, il y a des aliments qui peuvent supporter de rester à l'air libre longtemps, longtemps... Jamais ils n'auront à vivre le traumatisme de vivre dans ce milieu carcéral qu'est le contenant Tupperware. C'est la liberté, à l'année longue.

Dans ce pays qui est le mien, une partie de nos vies sera vécue hermétiquement, sans réel contact avec l'extérieur. C'est triste, non? C'est comme caresser un chat en portant des mitaines à four. Ça laisse plutôt froid et ça risque, un jour, de nous faire trouver du poil dans notre pouding chômeur.

Plusieurs diront que cette absence de liberté permet d'apprécier réellement notre libération. Autrement dit: je me cogne la tête sur le mur parce que ça fait tellement de bien quand j'arrête. En suivant cette logique, aussi bien mener une vie misérable, afin d'accepter la mort comme un soulagement final. Toute une philosophie de vie! Ça me rappelle un mot qui commence par «L» et qui finit par «OSER».

Bref, aujourd'hui, mon couvercle s'est enfin ouvert. J'ai pu confondre extérieur et intérieur, sans transition, sans contrainte. J'ai exposé mon steak haché librement. Je me suis fait aller le blé d'inde au grand air. Mes patates pilées se sont fait dorer au soleil.

J'espère juste que je ne sens pas trop le moisi.

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