lundi 5 avril 2010

La pensée Windows

Il semblerait qu'un phénomène étrange est en train de se produire sur notre planète. Au premier coup d'oeil, rien n'y paraît, mais l'être humain subit en ce moment un changement radical au niveau du fonctionnement de son cerveau. En effet, des chercheurs auraient trouvé que la pensée des enfants et de toute personne qui est née à l'ère du système Windows est structurée comme ce système, soit en ouvrant des fenêtres imaginaires.

Un changement comme celui-ci est profond. Il démontre à quel point la pensée humaine est malléable et peut s'adapter à toutes sortes de situations.

Je ne peux pas dire que je suis moi-même né à l'ère de Windows, mais je peux tout de même observer qu'effectivement, ma façon de raisonner est influencée par ce produit signé Bill Gates.

Par exemple...

Ce matin, je me lève et j'ouvre mon système qui m'accueille avec ce message: «Ouf, quelle nuit agitée. J'ai vraiment mal dormi.». Ensuite, une autre fenêtre s'ouvre: celle de moi qui boit trop au souper de la veille et puis une autre de moi qui se tape une gigantesque assiette de profiteroles. Une autre fenêtre s'ouvre: elle me montre le restaurant où j'ai mangé ces profiteroles, très bien décoré. J'ouvre trois autres fenêtres, côte à côte: les toilettes en tuiles hexagonales noires et blanches, le cadre devant lequel j'ai fait face toute la soirée qui était croche et la «meilleure table de la maison». De la deuxième fenêtre, j'ouvre une autre fenêtre où je replace le cadre devant le regard ébahi du serveur. De la troisième, j'ouvre une autre fenêtre de doute: «comment je peux être sûr que c'était vraiment la meilleure table de la maison?» Je referme la fenêtre où je replace le cadre, qui n'était que le fruit de mon imagination. Je glisse la fenêtre du doute vers la corbeille. Je redécouvre la fenêtre des tuiles hexagonales. Je l'agrandis. J'ouvre une petite fenêtre par dessus, où le plancher de ma propre salle de bain est couvert de tuiles hexagonales. Je glisse cette fenêtre dans un fichier, le fichier «idées futures de décoration». Je redécouvre la fenêtre des profiteroles et l'autre de moi qui boit un verre de vin de dessert. Je glisse ces deux fenêtres sur le côté, afin d'en ouvrir une nouvelle qui pose la question: «Est-ce que c'est l'alcool ou la sauce au chocolat qui m'a fait si mal dormir?» J'ouvre une fenêtre, de cette dernière, avec des petites cases à cocher. Je coche «l'alcool» et je coche aussi «la sauce au chocolat». J'exécute un petit programme de lucidité qui se termine par une petite fenêtre où je me dis: «aujourd'hui, pas d'alcool, pas de sucre, pas de gras». J'ouvre une nouvelle fenêtre de ce que je vais bien manger pour déjeuner. La fenêtre «Nutella» qui s'ouvre automatiquement est aussitôt glissée vers la corbeille. La fenêtre «beurre d'arachide» fait surgir une autre fenêtre: «il va bien falloir que je mange quelque chose malgré tout». J'agrandis la fenêtre «beurre d'arachide». La fenêtre des profiteroles s'ouvre à nouveau. Celle des tuiles hexagonales (celle du restaurant, pas l'autre classée dans le fichier «idées futures de décoration») s'ouvre aussi. Une fenêtre montrant les rues pavées de Barcelone s'ouvre alors. De cette dernière, s'ouvre une fenêtre montrant une des tuiles hexagonales qui forment les trottoirs de Barcelone. Comme il y a beaucoup de fenêtres ouvertes en même temps, je minimise la plupart des fenêtres, pour ne garder que celle des trottoirs à vue. Je dois aussitôt ouvrir une autre fenêtre, celle où je pense aux étapes pour mettre des toasts dans le toaster, puis une autre où je sors le pot de beurre d'arachide de l'armoire, puis une autre où j'attends que les toasts sortent du toaster. De cette dernière, j'ouvre une fenêtre où je repense à ma nuit de sommeil léger. J'étends le beurre d'arachide distraitement, trop occupé à gérer toutes le fenêtres ouvertes ou minimisées. Je crée certains dossiers pendant que je mange mes toasts. Je sauvegarde les quelques fenêtres qui en valent la peine (surtout celles où je doute d'avoir bel et bien eu la meilleure table de la maison et l'autre où je me dis: «aujourd'hui, pas d'alcool, pas de sucre, pas de gras») puis je ferme toutes les autres, jusqu'à ce que j'arrive à mon fond d'écran. Sur mon fond d'écran, une photo de voyage, avec une plage et un océan azur. Une petite fenêtre s'ouvre: «En voyage, maudit qu'on est bien, non? On peux faire des siestes.». Je retourne dans mon lit. Je ferme ces dernières fenêtres. J'ai à peine le temps de trouver l'onglet «Départ», qui sert aussi à quitter, puis je clique sur «éteindre». Je m'endors.

C'est que ça fatigue, la pensée Windows.

3 commentaires:

  1. Je crois que tu es dû pour un "reboot"!

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  2. c'est vraiment la patte de Robert la même qui range ses épices et les chaussettes dans ses tiroirs windows

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