mardi 16 novembre 2010

Robert prend un petit congé

Le temps de réfléchir à mon avenir, de mettre de l'ordre dans mes idées afin qu'elles soient aussi bien classées que mes épices ou mes Tupperware de marque Rubbermaid, je ne garantis pas la régularité du blogue pendant les jours qui suivront.

Profitez-en pour relire vos textes préférés! (Et classez-les en ordre, si vous en ressentez le besoin.)

À bientôt!

Robert

lundi 15 novembre 2010

Robert a un an

Voyons voir...

La peau de poulet, contenant de graisseux de la chair du poulet? Les maux de pieds, sujet tabou? Les casinos, à éviter à cause de leur design kitsch? One Way Streets, un spectacle du célèbre metteur en scène Hubert Lesage, mettant en vedette une jeune prostituée? Jean, un homosexuel célibataire qui tue son chat en marchant dessus? Jérémie, un enfant handicapé intellectuellement qui meurt heureux dans un désordre qu'on lui a toujours refusé? Le plaisir du Jell-o, qui réside dans sa surface? La magie du chiffre trois? La vie sexuelle des objets, qui se reproduisent en l'absence des humains? Le désordre des rêves? Les pots sous toutes leurs formes, 28 fois plutôt qu'une? La clarté de l'insatisfaction? L'horreur du crime de mauvais design, tristement impuni? La supériorité esthétique du soccer? Le drapeau du Québec, revu et corrigé? Les vêtements, contenants incontournables du corps humain? La beauté des chiffres ronds? L'espace nécessaire à la survie d'un homme, réduit à celui d'une valise préparée pour filer vers Buenos Aires? La Beauce, pas si horrible après tout? Nos cerveaux, contenants incompréhensibles et mal classés? La perfection, personnifiée par la forme pure de l'oeuf? New York, un contenant pour les New Yorkais, dont le couvercle est la frontière américaine? Les émissions de décoration, version «Décore ton âme»? Le nazisme caché derrière des napperons bien enlignés pour un brunch? L'impossible quête du classement des photos? Un Manitobain détraqué collectionneur de pénis congelés? Les multiples possibilités du glaçage d'un gâteau? Le danger de placer ses canettes de Coke toutes du même bord? Le mensonge du classement des chemises par couleur? La prison de la ponctuation? Le cycle incessant de la vie représenté par une brassée de lavage? Les troublantes tentatives risquées d'un homme qui bouscule ses principes? Les esprits tordus derrière la production de l'émission Comment c'est fait? et ses exténuantes explications? Les angoisses d'une mère? L'ultime livre psycho-pop pour gérer sa vie? Robert Lepage sauvé d'un incendie, laissant le gars qui annonce les Shamwow mourir calciné? Le côté risible de la laideur? L'absurdité des recettes mesurées au poids? L'emballage des cadeaux de Noël, plus important que les cadeaux eux-mêmes? Le plaisir coupable d'apprécier les annonces de Reitmans? Les extraterrestres et leurs vaisseaux décorés de stucco et de petits rideaux de dentelle? Lynda Reeves, reine de la déco? Une ode au matérialisme? La quête contradictoire du «Less is more»? Des maisons 100% plastique? L'écosystème surprenant de la moisissure de patates pilées, peuplé de micro organismes bien organisés?

Tout cela, contenu dans un blogue sur le Tupperware?

En fait, non. Du contenant. Que du contenant. «Un blogue avec du contenant», c'est écrit.

Je m'appelle Robert et j'écris quotidiennement ce blogue depuis une année aujourd'hui. Merci de me lire.

dimanche 14 novembre 2010

Robert mange la peau du poulet

Les signes d'un changement radical à l'échelle planétaire ne cessaient de se multiplier.

Manger la peau du poulet, c'était nocif pour la santé. Dans son emballage épidermique, le poulet emmagasinait tous les mauvais gras, lui qui était pourtant réputé pour être constitué de viande maigre. Le poulet savait que sa peau, une fois mangée, augmenterait les risques d'obésité, les taux de cholestérol et le simple sentiment de culpabilité ressenti chez l'humain trop gourmand. Ce savoir, c'était la petite vengeance du poulet. On voulait l'élever dans des conditions horribles, l'abattre avant même qu'il n'ait pu connaître quelques plaisirs de la vie, le rôtir à la chaîne en ajoutant une quantité astronomique de sel, eh bien, il s'assurerait que sa peau soit croustillante et savoureuse, tuant à petit feu cette race qui avait décidé de le tuer, lui.

Robert aussi savait tout ça. Mais, si la chair est faible, la peau (le contenant de la chair), était si appétissante. Ce soir-là, il dévora donc la peau de son demi poulet en cuisses, qu'il avala, lambeau après lambeau. Robert ne se soucia même pas d'utiliser fourchette et couteau. Il mangea avec ses doigts coupables, qu'il lécha, même, tant ceux-ci étaient tachés non pas du sang du crime, mais bien de cette véritable graisse du crime. Robert offrit un spectacle dégoûtant et indigne de lui. Pire: il aima ça.

C'était clair, le désordre mondial était inévitable.

samedi 13 novembre 2010

Robert porte les mêmes vêtements que la veille

C'était un signe clair que quelque chose ne tournait pas rond. Robert, ce jour-là, portait les mêmes vêtements que la veille. Sans les avoir lavés.

Partout, sur la Terre, on ressentit une vague étrange, qui fit frémir toutes les créatures, des plus grosses jusqu'aux plus petites. Quelque chose s'annonçait. Quelque chose allait se passer. L'apocalypse?

Dans les coins les plus reculés, on se mit à se poser des questions existentielles, à douter du bien-fondé des multiples croyances des différents peuples. En Inde, on se posa la question: «Brûler les morts et les jeter dans le même fleuve où on va se purifier, est-ce bien sage? Et que dire de tous ces excréments?». Dans les grandes citées américaines, on se dit: «Balancer toute notre nourriture dans des bacs de vieille huile bouillante usée pour la faire cuire, est-ce là la solution?». Au Mexique, on constata tout à coup qu'il n'était pas impossible de garder les rues plus propres. Dans plusieurs pays d'Europe, on regarda tant de vieux bâtiments, conservés pour des raisons presque oubliées, et on se questionna: «Ne pourrait-on pas tout raser afin de tout recommencer?». On fit pareil à Montréal, remarquant subitement la laideur générale de l'architecture. Dans certaines régions africaines, on s'arrêta net de manger et on pensa: «Manger des insectes, c'est pas un peu dégoûtant, au fond?». Devant le fouillis visible dans tant de villes d'Amérique du Sud, du Moyen-Orient et d'un peu partout sur le globe, on réfléchit: «Ce désordre, est-ce vraiment une bonne idée? Il ne serait pas temps de mettre un peu d'ordre, dans tous ça?». Partout, on prit conscience de toutes ces choses faites, mais qui pourraient ne pas l'être. L'humanité subit un subit «reality check».

Ce fut brutal. Il fallait tout revoir, tout repenser. Ça ne mentait pas. Robert qui portait les mêmes vêtements que la veille, c'était le début de la fin.

Heureusement, cette fin allait aussi permettre un nouveau début. Le début d'un temps nouveau.

vendredi 12 novembre 2010

Robert et la vengeance du Tupperware

Ce matin-là, Robert n'aurait jamais pu s'imaginer ce qui allait lui arriver. Il se leva, un peu plus tard que d'habitude, un peu enrhumé. Il se prépara à vivre une des journées les plus ordinaires de sa vie. Ce n'était pas ce que le destin avait réservé pour lui.

D'abord, tout fut assez ordinaire: il prit sa douche, but un verre de jus d'orange, regarda son courriel, mangea un peu. Il regarda distraitement la télévision, il fit un peu de lecture, il alla chercher du pain à la boulangerie. Il se prépara un sandwich au thon, il le mangea, il but de l'eau, beaucoup d'eau. Sa journée ordinaire battait son plein. Il ressentait une réelle fierté d'avoir réussi son défi de ne vivre rien de spécial pendant sa journée. Un peu de calme, ça lui ferait du bien. Son corps l'en remercierait en éliminant ce rhume automnal bien ennuyant.

Ça faisait à peine quelques heures qu'il était levé, pas plus de quatre heures, qu'il se dit qu'il méritait bien une petite sieste. Il entra dans la chambre, tira les rideaux, ferma la porte. Il éteignit la sonnerie du téléphone, la lumière de la chambre. Toujours en pyjama, il se coucha, ferma les yeux et s'endormit aussitôt.

Quelques minutes passèrent, puis quelques heures. Il dormait toujours, en rêvant des rêves totalement insignifiants, à l'image de la journée qu'il s'était promis de vivre. La tête bien enfoncée dans son oreiller, il était coupé du reste du monde. Quelle réussite c'était, cette pause sans éclat dans sa vie si occupée! Il se retourna lourdement en gémissant de satisfaction. C'est à ce moment qu'il entendit un bruit.

«Scritch, scritch», que ça faisait. Dans son état semi-éveillé, il ne sut pas interpréter le bruit, qui provenait de sous son lit. «Scritch, scritch». Il n'ouvrit pas les yeux, mais, de plus en plus conscient, il cessait de respirer un instant, question de mieux entendre. Le bruit s'amplifia. Rêvait-il? Il se mordit l'intérieur de la joue, pour voir. Non. Malgré sa confusion, il était maintenant certain de ne plus être endormi. «Scritch, scritch, scritch»: le bruit se fit de plus en plus présent. Il ouvrit les yeux. Rien d'anormal ne venait troubler la paix de la chambre à coucher.

Il s'assit dans son lit. Une présence se faisait sentir, c'était clair. Il frissonna. Tout à coup, la porte de la chambre s'entrouvrit sans grincer. Une ombre se glissa hors de la chambre. Lentement, prudemment, il se leva et cria: «Allô? Allô?!» en s'approchant de la porte.

Dans le couloir, il n'y avait rien d'anormal. Tout était à sa place. Les pattes de la chaise près de la porte d'entrée étaient bien enlignés avec les lattes du parquet, la petite table était bien adossée sur le mur, cachant la prise de courant comme il se devait, le vide-poches était vide, comme il le fallait. La porte d'entrée était bien fermée, verrouillée. Rien ne semblait avoir bougé. Pourtant, ce bruit continuait de se faire entendre, plus loin maintenant. Vers la cuisine.

Robert s'avança silencieusement vers la cuisine. Le bruit petit bruit était maintenant accompagné d'autres bruits: «clonk, fuiiiit, poum, scratch, pop, clac, clish». Soudainement, les bruits cessèrent. Robert profita de ce moment de silence pour s'avancer encore et entrer dans la cuisine. Encore une fois: rien d'anormal. Robert était-il enrhumé au point d'en avoir perdu la tête?

Dans sa cuisine, bien propre et bien rangée, Robert tenta de se calmer. Il n'était pas fou, juste un peu fatigué. Il expira longuement. Il eut un petit rire de soulagement, voyant que toute cette aventure n'en était, au fond, pas une, et qu'il allait atteindre son but de vivre une journée extraordinairement ordinaire, comme il l'avait souhaité. Il pensa: «j'ai soif et un bon verre d'eau me fera du bien.»

Il ouvrit l'armoire pour se prendre un verre. Ils étaient là, pêle-mêle. Il ouvrit les autres portes d'armoires, et les tiroirs. C'était encore pire. Tous les vieux Tupperware dépareillés dont il s'était défait presque un an auparavant étaient empilés dans un désordre incroyable. Ne les avait-il pas donnés à une oeuvre de charité? Ne les avait-ils pas remplacé par un ensemble de marque Rubbermaid tout simple, plus facile à ranger? Ne s'était-il pas promis de ne plus jamais chercher un couvercle manquant de toute sa vie?

Ils étaient revenus. On ne se débarrassait pas aussi facilement de contenants Tupperware dépareillés, accumulé au fil de tant d'année, donné par des vieilles tantes bien intentionnées.

Robert avait perdu la guerre. La «Tupperwar». Il capitula. Son rhume disparut soudainement.

jeudi 11 novembre 2010

Robert regarde le clavier de son ordinateur sans bouger

Ça ne lui arrivait pas souvent, mais, parfois, Robert n'avait rien à dire. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert n'avait pas eu d'opinions pointues pendant certaines journées trop ordinaires. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert avait une vague impression de se répéter. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert se disait même que ça devait bien lui arriver plus qu'il ne le croyait. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert se disait qu'il n'avait pas tapé la lettre «w» depuis longtemps. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert avait des envie de

paragraphes là où il n'en faut pas. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert trouvait le rebord en coin de son MacBook bien joli, mais un peu inconfortable pour les avant-bras. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert doutait de l'accord au pluriel de certains mots composés. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert ne terminait pas ses. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert avait honte. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert se disait que l'écriture automatique, c'était une forme d'écriture peu respectable. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert insérait des phrases dans des textes sans trop savoir pourquoi. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais Robert avait une vague impression de se répéter.

Ça ne lui arrivait pas.

Pas souvent, en tous cas.

mercredi 10 novembre 2010

Robert fait la sieste

Oui, Robert était travaillant, mais ne méritait-il pas, lui aussi, de temps à autre, la tête bien reposée sur un coussin de lapin, une petite sieste?