jeudi 15 avril 2010

Parlons creux

Coupable. Je plaide coupable. Ça m'arrive à l'occasion. Il y a des jours où ça m'arrive plus souvent. Comme aujourd'hui, par exemple. Je n'avais plus aucune retenue. Une n'attendait pas l'autre. Je ne sais pas pourquoi. Ça sortait tout seul. Et vous, ça vous arrive? Suis-je le seul de ma race?

Vous arrive-t-il à vous aussi de dire des phrases creuses?

Une phrase creuse, ce n'est pas comme une assiette creuse. Ou un arbre creux. Ou le creux d'une main. Ce n'est pas fait pour contenir. Bien au contraire. Une phrase creuse, ce n'est même pas un contenant, si ce n'est que pour du vide, et encore. En fait, si un phrase creuse est quelque chose, c'est plutôt un contenu. Un contenu creux qui ne sert qu'à combler le vide.

Je ne sais vraiment pas pourquoi, mais je n'étais pas arrêtable, aujourd'hui. Une fois que je communiquais ce que je devais communiquer (et «communiquer» est un grand mot), au lieu de me taire, je continuais. Je répétais. J'en ajoutais, sans même que ça ne soit sollicité. Le «less is more»? Not today. Trop occuper à en mettre, en mettre et en remettre.

Mes interlocuteurs, au début, acquiesçaient tranquillement. Leurs regards imploraient la conclusion. Moi, qui est pourtant de nature à répondre au non-verbal, je n'arrivais pas à me taire. L'autre, devant moi, tentait parfois des petites phrases courtes comme des points finaux. «Ah, ben, oui.» «Qu'est-ce que tu veux, hein?» «Bon, ben, c'est ça!» «Oui, oui, j'ai compris!»

Devant ces réponses de moins en moins subtiles, même une adolescente racontant qu'elle ne sait plus trop, à propos de son chum, qu'on dirait que des fois elle veut lui faire plaisir, mais d'autres fois non, mais qu'il doit la respecter, que c'est son choix si elle dit non, mais qu'en même temps, ce n'est pas qu'elle n'a pas le goût, c'est juste que si elle montre trop qu'elle a le goût, elle va avoir l'air complètement désespérée, mais il faut quand même qu'elle montre qu'elle a un peu le goût, mais pas trop, elle n'est pas une slut comme la slut à Mandy qui n'est vraiment pas capable de se contrôler, parce que c'est sûr que elle, elle dit toujours oui, en tout cas c'est ça que son chum lui a dit, mais tu sais, les gars, ils sont tous pareils, mais pas pareils pareils, mais disons que t'sais, genre, en tous cas, le mien est pas pareil, il me respecte, mais je suis capable de me faire respecter, aussi, c'est pas juste ce que tu dis, t'sais, c'est aussi ce que tu fais, se serait tue.

Mais pas moi. Mes lèvres poursuivaient leur travail aveuglément. Mon interlocuteur se tournait, regardait ailleurs, répondait à son cellulaire, quittait la pièce, même. Moi, comme le lapin Energizer, je continuais. Comme si je tombais dans le vide. Dans l'espace interstellaire. Tombant vers l'infini. Dans un trou noir de signification.

J'ai dit des choses, mais des choses! Tellement... insignifiantes. Que je justifiais! En les répétant. Comme si de les répéter allait leur donner un sens. Mais l'effet était plutôt inverse. Elles perdaient progressivement toute trace de signification qu'elles n'avaient déjà pas.

Des fois, je me dis qu'il n'y a qu'une seule chose à faire, dans ce cas, et c'est de couper sa phrase en plein milieu, comme quand on parle et puis qu'on

5 commentaires:

  1. bien sûr pourquoi attendre le milieu ?

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  2. au fait j'aime bcp ton image on dirait ta pierre ponce qui a perdu ses p'tits trous

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  3. Ma pierre ponce devenue trou noir?...

    Tout est dans tout!

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  4. ou le trou noir devenu pierre autrefois ponce maintenant pleine et lisse - comme poncée ... - les petits trous d'elle devenus autant de pleins

    tu disais creux ?

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  5. C'est un art, remplir les creux! Un art qui se polit avec le temps...

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