samedi 3 avril 2010

Manque de pot

Ah, les joies du jardinage! Aujourd'hui, face au temps magnifique, quoi de mieux qu'un petit tour sur la terrasse afin de faire la gestion des cèdres, qui y ont passé l'hiver. Des cèdres en pot, ça n'a qu'environ 75% de chance de survie. C'est ce qu'on dit. Des conifères bien plantés dans la terre sont mieux armés pour survivre l'hiver, mais sur une terrasse, on n'a pas le choix. Tout se retrouve dans des pots. C'est chic, c'est urbain, ça se déménage en plein milieu de la nuit en cas d'envie incontrôlable d'aller vivre à New York.

Bref, cette année, la nature a bel et bien obéi à la loi des statistiques. Mère Nature, imprévisible? Jamais de la vie! C'est une bonne élève, au fond, qui surprend beaucoup moins qu'on puisse le croire. Sur mes dix cèdres en pot, deux sont morts (morts-morts) et un autre agonise tranquillement, se donnant des airs de figurant dans un film de Tim Burton. Un parfait 75% de cèdres qui ont survécu. J'étais presque fier.

Cela dit, trois cèdres en moins (je n'allais pas garder un cèdre moribond - c'est l'avantage avec les végétaux: l'euthanasie est légale et ne fait lever les sourcils que d'une poignée de puristes granolas), ça fucke une symétrie, ça! Les dix cèdres, l'été dernier, avaient chacun leur place, produisant un ensemble harmonieux et équilibré. Cette année, avec sept, il fallait tout revoir l'aménagement.

Il a vite été évident que, malgré la quantité impressionnante de contenants déjà disponibles sur la terrasse, il allait falloir en acheter d'autres. C'est une question de pureté visuelle très difficile à expliquer. Hop. Une petite visite chez Canadian Tire.

Tous les Canadian Tire ne sont pas nés égaux. Près du centre-ville, on y vend que très peu de matériel de jardinage et allez donc savoir pourquoi, mais dans la section quincaillerie, c'est la grosse chaîne de métal qui se vend le plus. Pour avoir une sélection intéressante de pots, il a donc été nécessaire de traverser un pont pour atteindre ce territoire riche en magasins à grande surface: la banlieue.

Je croyais bien atterrir dans un véritable royaume de contenants pour le jardinage. Erreur.

Selon mes calculs, un seul pot noir de 14 pouces de diamètre, d'une forme pas trop évasée, allait permettre le jeu de permutations nécessaire afin de rétablir l'équilibre sur la terrasse. Je pensais bien trouver ce pot du premier coup, mais non.

Reparlons statistiques. Je dirais que 90% des pots vendus sur le marché sont horribles. Plus les fabricants tentent d'enjoliver leurs produits, plus ça se gâte. La surabondance de motifs donne mal au coeur. Et je pèse mes mots. Les autres 10% font partie de la catégorie «ordinaire». Des pots sans histoire, sans étincelle, peu inspirés. Devant ce constat, réaliste, j'étais prêt à piger parmi ce 10%. Il ne me restait qu'à trouver le bon diamètre. 14 pouces.

Et bien, après des heures de recherche, dans une suite de magasins pourtant plus grands que certains pays d'Europe, je devais me rendre à l'évidence: je cherchais encore une fois l'impossible. Pourtant, mes attentes n'étaient pas si hautes. J'étais préparé à revoir l'aménagement. J'avais des plans B. Des plans C. Des plans D, comme dans «dépenser encore une fois une fortune pour satisfaire ce besoin d'harmonie visuelle au quotidien».

De retour à la maison, bredouille (bon, j'ai bien acheté pour une somme importante une série d'articles ménagers dont j'aurais pu me passer, mais qui se sont retrouvés sur mon chemin), j'ai pensé, en regardant le ciel qui avait eu le temps de se couvrir, que c'était un classique, ça, rechercher sur le marché un objet simple, si simple, mais ne jamais le trouver. Ça a été pareil avec ma housse de couette blanche, sans motifs. Un enfer à trouver, qui oblige à faire face à cette obsession qu'ont les designers de toujours vouloir ajouter «un p'tit que'que chose pour faire joli», mais qui, plutôt, fait dur.

Heureusement, la belle saison est loin d'être terminée. Je trouverai sûrement une solution, en repensant la disposition des cèdres, comme un jeu d'échecs. Je pourrais peut-être négliger les soins du septième cèdre, afin que sa mort permette de retrouver enfin la symétrie?...

C'est bien beau de faire pousser des plantes, mais il faut aussi se permettre le plaisir d'en tuer une de temps en temps.

Ah. Les joies du jardinage.

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