samedi 24 avril 2010

Intérieur beauté

Bon. La beauté. Qu'est-ce c'est ça?

Dans mon message d'hier, j'ai touché, sans trop y faire attention, à plusieurs sujets qui méritaient bien plus qu'un effleurement. En fait, ils méritaient au minimum un combat corps à corps (teinté d'un érotisme latent). La beauté est un de ces sujets.

J'ai dit, comme ça: «Je me suis toujours demandé ce qui se passait dans notre cerveau lorsqu'on voyait quelque chose de beau», une question qui mérite réflexion, mais je vous ai laissé tomber. Je suis parti ailleurs. Je me suis mis à décrire mon chevalier médiéval en plastique et j'ai laissé la beauté là, toute seule comme une tarte, inexpliquée.

Je me dois donc maintenant d'aller plus au fond des choses, de fouiller l'intérieur de la beauté.

J'ai voulu d'abord, pour remplir mon mandat, faire appel à mon contenant à définitions préféré, le dictionnaire, mais au bout de quelques lignes, j'étais déjà tout mélangé. On mêle tout: conformité, esthétique, plaisir, satisfaction... On y fait référence à des lieux communs: une belle vue, la beauté d'une statue, de Venise... On décline l'usage du terme, jusqu'à ce qu'il perde toute substance. Bref, on ne sait plus quoi dire alors on en dit des belles et on s'éloigne de la question.

Je dois donc me débrouiller seul. Qu'est-ce qui se passe dans notre cerveau quand on voit quelque chose de beau? Nous avons tous, un jour, trouvé beau quelque chose ou quelqu'un. On dit: «ça me plaît», «c'est joli» ou «man, t'as vu son cul?!», mais jamais on ne s'arrête à savoir pourquoi.

J'aimerais vous le dire, moi, pourquoi. Mais justement, c'est là pour moi tout un mystère. Pourquoi j'aime regarder une montagne de verdure, mais pas une montagne de paperasse? Pourquoi j'apprécie voir le dessin d'un coeur, mais pas un vrai coeur? Pourquoi c'est laid, du turquoise sur un mur de salon, mais pas dans l'océan? Pourquoi je trouve ça beau, des pots d'épices bien alignés, mais pas ces mêmes pots d'épices placés n'importe comment sur une tablette encombrée? Toutes ces choses ne se valent-elles pas?

Un arbre, par exemple. Y'a pas de quoi de plus hideux que ça, au fond? Pensez-y. C'est un tube rugueux, de couleur grisâtre tachée de plaques, sortant de la terre comme une verrue, qui se ramifie, qui souffre de protubérances qui vont dans tous les sens, en s'affinant, le tout parsemé d'étranges pellicules minces, molles et vertes qui laissent voir leur système interne par un aspect translucide inquiétant. Décrit ainsi à des extraterrestres qui n'auraient jamais vu ça, un arbre, ils en frissonneraient d'effroi. «Et votre planète en est infestée?!», qu'ils répondraient, en faisant une face d'extraterrestre qui goûte à quelque chose de mauvais pour un extraterrestre. Pourtant, ici, sur terre, tout le monde s'entend pour trouver que c'est beau, un arbre. Mais, en quoi est-ce plus beau qu'un poteau de téléphone ou même qu'une flaque de vomi?

Bon, vous trouvez que j'exagère. Que ça va de soi. Qu'une flaque de vomi, ça sent pas bon, que c'est signe d'une mauvaise expérience digestive et que c'est tout simplement dégueu. Mais en quoi n'est-ce pas beau? Ça miroite, c'est teinté d'un camaïeu apaisant, ça surprend par ses petites pépites mignonnes comme tout, ça éclabousse de vie, comme un Pollock.

Regardez, partout autour de vous. C'est beau ou non? Pourquoi? C'est pas de notions qu'on gagne à questionner des fois? Regardez vous. Regardez nous.

L'être humain, merveille d'entre les merveilles. La beauté humaine, c'est indéniable, ça? Ne sommes-nous pas qu'un amas de formes étranges, subdivisé en pousses qui semblent vouloir s'enfuir du centre, enveloppé d'une couche mince, crevassée et parsemée de filaments inégaux, ponctué de fentes, de matières mortes et de trous, dont deux contiennent des globes gluants, vascularisés de rouge, à moitié enfoncés? Qu'est-ce que ça a de beau, ça?

C'est pas un peu dégoûtant, au fond, la beauté?

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