mercredi 31 mars 2010

Remplir ses journées

Une chose qui est facile à remplir c'est une journée c'est tellement vite fait on se lève on prend sa douche on va travailler on mange on se lave les dents on va à la toilette plusieurs fois par jours c'est un tourbillon incessant on peut tenter d'insérer des activités pour se divertir ou pour se sentir mieux aller au gym aller prendre un verre parler au téléphone magasiner préparer les repas écrire des blogues sans ponctuation comme ça pour le plaisir de terminer la journée avec un tourbillon sans pauses sans virgules pour respirer sans points pour faire le vide sans aucun signe pour créer des petites pause entre les mots même les petites pauses dans notre journée on les intègre entre les autres activités comme si c'était une autre activité tout se mélange notre coeur n'arrête pas de battre et nous non plus on continue on continue on continue je n'ai jamais compris comment on faisait au fond tout ça m'apparaît comme impossible parfois je songe au temps que je consacre aux choses essentielles les vraies là les choses que nous devons faire sinon la vie ne peut plus continuer sinon on meurt par exemple dormir je ne sais pas moi disons sept heures soyons modeste ensuite manger trois repas et une collation ou deux préparer cette nourriture incluant les emplettes pour toute cette bouffe un minimum d'heures de travail pour payer cette nourriture un peu de temps pour faire nos besoins nous laver même minimalement je parle ici de la base la base inévitable eh bien juste avec cette base il me semble que nous n'avons pas assez des 24 heures qui nous sont accordées à chaque jour je n'ai jamais osé calculé ces heures bien entendu j'ai trop peur trop peur d'arriver à un nombre d'heures supérieur à 24 et si tel est le cas je préfère ne pas le savoir parce que si tel est le cas mon cerveau je crois va exploser parce que bien sûr je n'arriverai pas à comprendre comment on fait et si je pense à toutes les autres activités peut-être moins essentielles mais sans lesquelles nos vies seraient complètement vides complètement vides de sens communiquer s'occuper des autres lire se cultiver penser regarder dehors pour voir si le temps est propice à une petite promenade dans le parc toutes ces choses qui semblent être des clichés mais dont il serait difficile de se passer toutes ces choses doivent aussi prendre du temps du temps que nous n'avons peut-être même pas alors vous voyez pourquoi j'hésite à faire l'addition en plus de ça je ne peux m'empêcher de songer à toutes ces autres choses qui nous occupent et qui sont peut-être mauvaises pour nous comme regarder de la mauvaise télé se droguer s'embêter à discuter avec quelqu'un qui ne partage pas notre avis commander du chinois fluorescent et je ne sais plus quoi encore il faut bien un peu de temps pour ces activités non c'est sans tenir compte des imprévus des événements qui se produisent inopinément et qui eux aussi gobent une partie plus ou moins grande de nos journées la mort d'un ami un coup de téléphone du ministère du revenu une clef perdue un cambriolage les premières menstruations de notre plus jeune enfant l'annonce d'une mauvaise nouvelle à propos de notre passé etc etc etc le pire c'est que bien sûr j'en oublie j'oublie toutes sortes de moments qui prennent du temps des moments parfois anodins mais qu'on se doit de vivre il y en a tant et tant c'est décourageant dites moi je vous prie comment on fait comment on fait pour faire en sorte que tout ça se passe sans débordement sans que jamais nous n'ayons recours à une heure supplémentaire ou deux avant de passer à la journée suivante oser faire le calcul comporte le danger d'arriver à un résultat impossible qui n'a aucun sens ça ne vous fait pas freaker ça vous moi oui

mardi 30 mars 2010

Mon emballage d'origine

Déjà, le séjour à New York est terminé. La route du retour vers Montréal, par un temps gris et pluvieux, est propice à la réflexion.

Au Moma, il y avait une exposition de Tim Burton. Un vrai fucké dans la tête, mais quelle imagination! Toutes ses faces sombres sont mises à profit vers sa création. Il y avait aussi un événement de performances et de reperformances, œuvres de Marina Abramovic. Toute la journée, cette femme de plus de soixante ans est restée assise, regardant fixement une autre performeuse assise devant elle (photo). Elle répétera cette performance à tous les jours pendant toute la durée de son exposition, soit un bon trois mois. D’autres de ses créations de body art mettent en scène de vrais humains, souvent nus et immobiles. On nous invitait même à passer entre un couple debout, nu, presque nez à nez, nous obligeant à frôler les corps. Heureusement, Madame Abramovic n’a pas choisi des pichous. La femme, visiblement très à l’aise avec son corps super bien proportionné, supportait bien le fait que 90% des visiteurs choisissent de lui faire face. Faire face à l’homme est peut-être plus intimidant? Il faut dire que la nature avait été généreuse avec lui. Si vous n’avez pas bien compris: méchante queue là-dessus. Je suis passé face à l’homme.

Pourquoi je raconte tout ça? Peut-être parce que je me demande parfois comment on atteint ce stade où on peut juste s’asseoir sans bouger et faire de l’art. Je me dis que moi aussi j’ai mon petit côté dérangé, mais que je suis pourtant loin d’être Tim Burton.

Je cherche des explications, en regardant les wipers s’efforcer à gérer les gouttes de pluie sur le pare-brise. Je pense parfois avoir trouvé la solution : un petit déménagement à New York. Ou ailleurs. Nul n’est prophète en son pays, right?

En effet, moi, j’habite à Montréal depuis toujours. Je suis toujours dans mon emballage d’origine! Comment pourrait-on me consommer? Je suis comme un jouet de collectionneur, resté intact afin d’en préserver la valeur. Non, mais c’est plate en maudit, ça, une poupée Bout’ choux emprisonnée dans une boîte en carton avec une petite fenêtre de cellophane! Aucun plaisir là-dedans. Tout ça pour quoi, au juste? Pour l’absurde obsession du collectionneur qui n’a rien de mieux à faire que d’accumuler des objets qu’il n’utilisera jamais?

J’aimerais ça, des fois, qu’on parle de moi en commençant par : «Originaire du Canada, Robert (suite énonçant ma grande démarche artistique et toutes les villes où j’aurais vécu)».

Mais pour ça, il faut bouger, se déraciner. (Ouch.) Quitter son pays décimé par la guerre, par exemple. (Ça commence mal, ici, on n’a jamais vraiment connu ça, une vraie guerre. Maudit qu’on est loser.) Vivre maigrement dans un loft miteux au cœur d’une ville en ébullition. (Encore une fois, ici, pas de veine : un loft à Montréal, ça coûte une fortune et pour l’ébullition, on repassera - et ne me parlez surtout pas d’aller vivre à Québec. Boring!).

À moins que je me trompe? Que ce ne soit que le ciel gris qui me fait voir l’herbe plus verte chez le voisin?

Je dois les aimer, au fond, nos ciels gris et notre gazon jauni.

lundi 29 mars 2010

Les grosses pommes

J'ai trouvé la grosse pomme. J'en ai même trouvé deux!

Bien emballées, à part de ça!

Je les ai croquées (sur le vif).

Pensez-vous que ce sont des touristes?

dimanche 28 mars 2010

Off-off

Cet après-midi, au programme: Billy Elliot sur Broadway. En fait, ce n'est pas réellement sur Broadway. C'est sur 45th Street. Mais c'est sur Broadway pareil.

Hier soir, un spectacle d'improvisation hilarant avec des marionnettes, off-Broadway.

C'est étrange, cette façon de classer les théâtres selon leur appartenance ou non au contenant «Broadway».

«On Broadway», ça porte le sceau d'approbation. «Off Broadway», ça a des chances, justement, d'être off. C'est pas dans le contenant de base. C'est à l'extérieur du contenant.

«Off-off Broadway», c'est tellement pas dans le contenant qu'on en est presque excité. Il y a des chances de voir du monde tout nu qui chante du Britney Spears, version opéra, avec un poisson frais et beaucoup, beaucoup de jelly beans, accompagné du son d'une machine à coudre des années 40 manoeuvrée par une lesbienne radicale obèse octogénaire habillé en Bill Clinton avec des cheveux verts. Off, vous dites? Non. Off-off.

Je poursuis donc cette quête de contenants au coeur de la Grosse Pomme.

«La Grosse Pomme», c'est pas la lesbienne, là. C'est le surnom énigmatique qu'on donne à New York. Jamais compris pourquoi.

samedi 27 mars 2010

Home sweet home

Je suis présentement à New York. Dans l'appartement d'un inconnu qui n'est même pas chez lui. J'ai troqué mon espace pour le sien grâce au site web Homeexchange. Quelle façon incroyable de voyager! Quelle joie de se retrouver au penthouse d'un édifice de 28 étages en plein coeur de Manhattan, sans avoir à débourser un sou!

En plus, ce qui est merveilleux, c'est d'avoir l'impression qu'ici, c'est chez moi. Après tout, ce n'est pas une chambre d'hôtel impersonnelle, mais bien un lieu de résidence permanent.

Il y a tout de même quelque chose de bizarre à se retrouver dans l'environnement d'un inconnu, sans sa présence. Ici, ce n'est pas comme à la maison, mais ça fait semblant de l'être l'espace d'un séjour.

Tout autour, se trouvent des objets familiers avec lesquels je ne suis absolument pas familier.

L'homme qui normalement habite ici aime les bibelots. Le «less is more», trop peu pour lui. Je ne compte plus les petites figurines qui ornent chaque coin et recoin. Seulement dans la chambre à coucher, je compte les petits personnages par dizaines. Un bouddha lève les bras au ciel en contemplant la lampe de bureau. Un petit chat est assis sur le bord d'une tablette. Un coq fait face au mur, comme un mauvais élève en punition. Tinky-Winky démontre sa joie d'avoir reçu un collier de fausses perles, probablement en se montrant les parties intimes pendant le mardi gras à New Orleans. Dino, le fidèle dinosaure de Fred Caillou, garde les quelques livres de la bibliothèque. Sur le rebord d'un cadre, un petit personnage est assis, récoltant patiemment la poussière. Un minuscule lézard en peluche joue de la trompette devant le lit. Un petit bonhomme vert, chauve, distribue du scotch-tape. Une famille de créatures blanches en forme de poire conspire sur la table de chevet. Un lapin de bois au regard d'enfant traumatisé observe sa réflection dans un miroir. Un ange tient une chandelle. Un ourson déprime. Un éléphant me tourne le dos. Un coyote me juge. Un hibou me guette, s'assurant probablement que je ne déplace aucun de ses camarades.

Moi, je scrute la vue imprenable sur la ville.

Tentant sans grand succès d'oublier cette foule autour de moi.

vendredi 26 mars 2010

La traversée du contenant

Je suis dans la voiture, en route vers New York. Wow. C’est cool, hein? . (Si vous me passez cet anglicisme - je n’en serais pas à mon premier.) Je devrais peut-être d’ailleurs m’adresser à vous en anglais. J’ai traversé la frontière, non?

C’est étrange, les frontières. Ça remue toutes sortes d’émotions. On n’a rien à cacher, et pourtant, on freake. On ne veut pas se faire poser des questions auxquelles on ne serait pas préparés. Des questions simples, même, parfois. «Where do you live?» peut sembler une question piège. On hésite. On cafouille. On passe pour un fou furieux avec une b-o-m-b-e (il ne faut jamais, au grand jamais, prononcer ce mot près d’une frontière). On soupçonne notre coffre arrière d’être rempli de bébés haïtiens cachés dans des boîtes en carton avec des trous sur les côtés pour laisser passer l’air. On se dit que ces bébés-là sont probablement eux-mêmes remplis de drogue, ou même d’une série de b-o-m-b-e-s.

Évidemment, je n’avais absolument rien à passer illégalement aux douanes. (Un sandwich au jambon, ça compte-tu?) Malgré tout, j’ai eu mon petit moment de crainte. Un voyage qui commence avec une main gantée dans le derrière, c’est vrai que ça commence mal, en effet. En tous cas, pour la majorité de la population. Je dois dire que le custom agent d’aujourd’hui, avec son sourire naïf, sa petite moustache et ses yeux bleus clairs, avait pas mal plus l’air d’avoir le goût de piquer une jasette que d’autre chose. Un peu plus et on allait prendre une Coors Lite ensemble.

Ce qui m’a frappé le plus, par contre, c’est surtout combien arbitraire c’est, une frontière. Le soleil a continué de briller pareil. Le paysage autour n’a pas changé. Le temps ne s’est pas arrêté, ou n’a pas reculé, mais s’est poursuivi, égouttant tranquillement ses secondes. Business as usual. Alors, cette frontière, elle me faisait traverser quoi, au juste?

C’est un des rares contenants que j’arrive à trouver inutile, un pays. Parce que c’est ça, en fait, un pays : un contenant pour y ranger une population X. Sauf que des fois, je trouve qu’on est vraiment mal classés. Suis-je si différent de quelqu’un qui habite juste de l’autre côté de la frontière? Je pense avoir plus en commun avec un gars de l’état de New York qu’avec un gars qui habite au fin fond de la toundra canadienne. J’ose me le souhaiter.

Je regarde certains de mes voisins et je ne me reconnais pas en eux. Du monde qui vote ADQ, qui trippe sur leurs rideaux en dentelles en parlant de leurs bébés morveux, qui ne savent même pas épeler le mot «condescendance» et qui sont incapables de saisir le second degré d’une conversation (vous la pognez, j’espère?), c’est des étrangers, pour moi. Des extraterrestres. Pourtant, des fois, à l’autre bout du monde, je rencontre des gens avec qui ça clique tout de suite. Comme s’il n’y avait aucune frontière entre nous.

Comme quoi notre planète, c’est comme un tiroir à ustensiles de cuisine : on a beau créer des divisions, mais il y a toujours une spatule trop longue qu’il faut mettre à part des autres, des pinces à spaghetti qui chevauchent deux sections et des râpes à gingembre qu’on range au fond, pour ne pas se râper les doigts dessus, malgré qu’elles fassent partie de la même collection que la cuillère à crème glacée et le presse-ail.

Un vrai bordel.

jeudi 25 mars 2010

Démacologie

Je suis assez tanné de me faire regarder croche parce qu'il m'arrive de jeter un journal à la poubelle!

On vit dans un monde obsédé par l'environnement. Prononcez bien le «mENT», comme un bon Québécois, tout dans le nez, rien dans la bouche. L'environnemENT. J'suis tanné!

Non, je ne désire pas que notre pauvre planète dépérisse. C'est pas ça. C'est juste que j'observe un phénomène vraiment troublant qui devient de plus en plus répandu. On parle d'environnemENT, mais on a semblé oublier certaines règles fondamentales tellement on n'a que l'environnemENT en tête.

Je vous donne un exemple. Je sors d'une salle de classe, à la suite d'une vingtaine d'étudiants (qui ne jurent que par le dieu environnemENT) et je dois ramasser derrière eux une série d'objets «oubliés» sur les tables: notes photocopiées, verres de café à moitié vides, emballages divers, journaux, etc. Par contre, plus tôt dans cette même pièce, on se gargarisait de l'importance de l'environnemENT. Moi, je jette à la poubelle (plutôt que dans un bac de recyclage) un minuscule papier et ces mêmes étudiants me regardent avec mépris, comme si j'étais en train de passer un bébé phoque au blender.

Si je comprends bien la logique de ces (j'ai jusqu'ici tenté d'éviter ce mot, mais, là, je n'ai plus le choix, j'éclate) «jeunes», il est mal de jeter des papiers aux ordures, mais c'est ben correct de les laisser traîner. Moi, je comprends pas ça.

Il serait donc louable de vivre dans le désordre et la saleté, tant qu'on ne jette pas aux vidanges ce qui devrait aller au recyclage? La fonte des glaciers est plus préoccupante que notre environnement immédiat? Voilà, j'ai dit le mot: «environnemENT».

L'environnemENT, c'est pas juste la forêt amazonienne, c'est aussi mon tiroir à épices. Comment voulez-vous protéger notre «pauvre planète qui souffre» si on est même pas capable de plier nos serviettes de bain en piles égales, dans des armoires pas encombrées?

En plus, à force de rincer nos cannes de thon pour les mettre au recyclage, ne va-t-on pas épuiser ces mêmes lacs et rivières que nous disons vouloir protéger?

Pourquoi les plus «écologiques» d'entre nous sont souvent ceux qui vivent dans des maisons bordéliques, parmi les traîneries et la poussière?

Oui, il m'arrive de jeter un pot de yogourt à la poubelle. Et avec le spray-net que j'ai consommé dans les années 80, j'ai bien dû ouvrir un trou dans la couche d'ozone aussi gigantesque que mon hairdo de l'époque.

Mais au moins, chez moi, «dans mon environnemENT», tout est spic and span. Ça compte, ça, non?

mercredi 24 mars 2010

Put a lid on it

On se retient-tu pas assez, dans' vie, hein?

Il y a une force extérieure à nous qui nous empêche de faire tellement de chose. Ces choses sont variées et infinies: se lever, en plein milieu d'un spectacle, pendant un moment intense et silencieux et crier: «C'est poche!»; dire à notre grand-mère que ses vieilles anecdotes sont plates à chier à terre; pousser quelqu'un devant le métro qui arrive, juste pour voir; ne pas se lever, au restaurant, et faire ses besoins sur place, entre le dessert et le café; porter un niqab coupé court qui nous arrive au raz le bonbon... Écrire des mots dans un blogue qui feront en sorte que nous pourrons, plus tard, être jugés.

Est-ce que l'humain est à ce point conditionné? Où est la bête en nous? De quoi avons-nous peur, au juste? Des conséquences?

C'est clair, les conséquences jouent un rôle primordial dans notre capacité à gérer la prise de décisions. On ne veut pas être jugés. On veut que le monde nous aime. On n'a pas envie de finir en prison, partageant une cellule avec un détraqué qui trouve que de dos, on ressemble pas mal à sa première blonde. On réfléchit avant d'agir (je ne dis pas que c'est mal, mais je constate) et on s'imagine un scénario qui sera la suite de nos actions. Si le scénario ne nous plaît pas, on se retient. La plupart du temps.

Car, il faut le dire, il arrive qu'on déborde, que notre couvercle qui nous tient bien contenu, éclate, ou qu'il s'ouvre même seulement légèrement, laissant échapper ce qui nous causera plus tard des ennuis. Alors, on regrette. Dans les faits, il est rare qu'on regrette une action qui n'a entraîné aucune conséquence. Or, ce qui nous fait regretter, ce n'est pas ce qui nous échappe, mais bien ce qui nous arrive après.

Je peux crier «c'est poche» pendant un show tchèque au Prospéro et me sentir parfaitement bien là-dedans. Ce sont les commentaires des autres spectateurs outrés qui me feront douter. L'idée que ma réputation sera peut-être tachée. Le regard méprisant du placier qui me montrera la sortie. Tout ça, c'est bel et bien ce qui m'empêche de crier «c'est poche», même si au fond, ce l'est effectivement.

Est-ce à dire que nous ne sommes que des mauviettes? Que l'opinion des autres teinte toute notre vision du monde?

Cela dit, je ne propose pas ici un monde où tout se dit, tout se fait.

Vous voyez, je n'ose même pas assumer mes propres paroles. Par ce «cela dit», je me rétracte, en quelque sorte. Je pense aux commentaires outrés de mes (trois, quatre?) lecteurs. J'hésite. Je ne veux pas passer pour un être sans morale. Mais c'est quoi, la morale, au juste? Un couvercle pour empêcher les débordements?

Et si on se permettait, des fois, de juste faire le vide un moment, en laissant sortir le méchant, les débordements ne seraient-ils pas encore plus soigneusement évités?

mardi 23 mars 2010

24 contenants

  1. Une tarte, c'est comme de la compote, mais dans une croûte.
  2. Un oreiller, c'est comme plein de bourrure, mais dans une poche de tissu.
  3. Une relation sexuelle, c'est comme une façon de ranger des organes génitaux.
  4. Un matelas, c'est comme un dortoir pour acariens.
  5. Un mot, c'est comme une petite boîte pour des idées.
  6. Une obsession, c'est comme une idée enfermée dans nos pensées.
  7. Un chat, c'est comme une poche de poils remplie d'organes, d'os, de muscles et de toutes sortes d'autres affaires.
  8. Un secret, c'est comme un moyen de contenir une vérité qui déborde.
  9. Une épice, c'est comme du goût dans une particule.
  10. Un Tupperware, c'est comme un contenant pour ranger des aliments qui vont être jetés plus tard.
  11. Un blogue, c'est comme un fourre-tout pour pas mal n'importe quoi.
  12. Le plaisir, c'est comme un emballage pour la vie.
  13. Un système d'égouts, c'est comme plein de marde.
  14. La télévision, c'est comme une boîte pour enfermer des gros égos.
  15. Un tronc d'érable, c'est comme un cylindre plein de futures feuilles d'érable en sucre d'érable et en vraies feuilles.
  16. Le snobisme, c'est comme une façon de recouvrir son ignorance du mieux qu'on peut.
  17. La culpabilité, c'est comme si ça enfermait la joie.
  18. Un rêve, c'est comme une place pour mettre des images qu'on n'est pas prêts à ranger ailleurs.
  19. Un ballon de ballon-chasseur, c'est comme une prison pour un petit garçon qui est poche au ballon-chasseur.
  20. Un chien, c'est comme un réceptacle pour mettre du manger de chien dedans.
  21. Une bulle de savon, c'est comme plein de l'haleine de la personne qui a soufflé la bulle.
  22. Une mauvaise coupe de cheveux, c'est comme si ça rangeait bien loin notre amour-propre.
  23. Une photo, c'est comme une capsule pour enfermer nos mauvaises coupes de cheveux.
  24. L'univers, c'est comme le lieu pour ranger tout le reste.

lundi 22 mars 2010

Chaque chose à sa place

Mon système est infaillible. Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Infaillible? Think again.

J'ai la fâcheuse habitude de ranger mes affaires. Mes épices sont classées. Mes vêtements sont classés. Mes papiers d'impôt sont classés. Tout est classé. Bien sûr, mes livres aussi sont classés. J'ai un système précis, qui me permet de repérer mes livres non pas alphabétiquement, mais par catégories. C'est plus joli ainsi. Les gros livres d'art ensemble, les petits romans en français ensemble, les dictionnaires ensemble, etc. Ce n'est pas un système parfait, mais allez faire un tour dans n'importe quelle bibliothèque du monde et vous y verrez aussi des imperfections grotesques, où les livres se suivent, mais ne se ressemblent pas.

Ceci dit, mon système est rigoureux. Alors, dites-moi bien: pourquoi, câlisse, que je n'arrive pas à trouver mon livre El amor es un francotirador, de Lola Arias?! Il n'est pas là où il devrait être. Dans la section «fiction en espagnol»? Pas de trace de Lola Arias. Il n'est pas non plus parmi la section «théâtre». Il n'est pas dans aucune section. Ce livre... est nulle part! Et ça m'obsède.

Il m'arrive souvent de perdre des objets. On pourrait même dire que c'est ma perte constante de choses diverses qui m'a poussée dans le chemin strict de l'ordre. J'en avais assez de fouiller partout afin de tenter de trouver tout et rien, alors, je me suis discipliné. Malheureusement, je dois me rendre à l'évidence. Ce fut un échec.

Cette semaine, seulement, j'ai cherché, avec des degrés divers de réussite: ma ceinture western, ma 7e cuillère à dessert Guy Degrennes (la 8e a été jetée aux poubelles par «quelqu'un d'autre», mais ne me partez pas là-dessus), mon adaptateur/chargeur pour mon Nikon, mon persil, mon dossier «contrats 2010», ma chemise à carreaux en flanelle, mon exact-o, une spatule, une des deux gugusses en caoutchouc qui recouvrent mes écouteurs de iPod, ma carte fidélité Bureau en gros... Tant de choses! Incluant mon livre El amor es un francotirador.

Pourtant, ce livre est difficile à perdre. Il est rose. Rose gomme. C'est mon seul livre rose gomme. J'ai cherché partout. Je voulais le relire, question de me plonger dans le langage spécifique à l'Argentine (Lola Arias est une jeune femme de théâtre de l'Argentine) avant mon voyage dans ce même pays prévu pour le mois de mai. Ce livre est introuvable. Pire, il me serait quasi impossible d'en racheter une copie ici à Montréal. Je l'avais acheté à Berlin, dans un festival de théâtre expérimental qui m'avait attiré par son affiche qui montrait une femme de profil avec la tête imbriquée dans un sac de magasinage en treillis de plastique vert.

Les options ne sont pas si nombreuses: j'ai prêté ce livre (mais à qui?), j'ai rangé ce livre dans «un lieu sûr, pour être certain de ne jamais le chercher» (cette tactique est l'ennemi de l'ordre - comment aurais-je fait pour me faire reprendre à ce piège, cette fausse bonne idée, malgré toute mon expérience?), j'ai perdu ce livre dans un trou noir de l'espace-temps.

De plus en plus, je commence à croire qu'il y a des trous dans l'espace-temps. Ces trous sont remplis de bas uniques, de petits papiers avec des numéros de téléphone et de tout ce qui nous échappe, malgré une constante vigilance. Quelle est l'utilité de ces trous? Veulent-ils nous convaincre que «ce n'est pas le matériel qui compte»? Veulent-ils nous prouver que ceux qui vivent dans un désordre constant, mais qui arrivent toujours à tout trouver ont raison? (Vous en connaissez sûrement comme ça: ils sont tellement fiers de leurs bordels... «Ah, moi, je me comprends dans mon désordre» et gna, gna, gna - je les haïs.) Veulent-ils simplement nous narguer et mettre à l'épreuve notre bonne humeur? Mystère.

J'y pense... Si ces trous sont remplis d'objets, peut-être sont-ils aussi remplis d'humains? Il arrive à tous de se demander «mais où ai-je la tête?». Alors, si jamais vous vous sentez parfois perdus, peut-être fréquentez-vous ces trous? Si tel est le cas, ouvrez l'oeil.

C'est un livre en espagnol, de taille moyenne, à la couverture matte et cartonnée.

Rose gomme.

dimanche 21 mars 2010

Parlons Tupperware (?)

Parlons Tupperware, pour une fois. Saviez-vous qu'à toutes les 2,5 secondes, un party Tupperware se déroule quelque part sur notre planète? On estime que 90% des foyers américains possèdent au moins un morceau de Tupperware véritable. L'inventeur du Tupperware, Earl Silas Tupper, est né à Berlin en 1907 et s'il n'avait pas vécu les années de la grande dépression, peut-être n'aurait-il jamais songé à concevoir cette invention, qui est née d'un désir de rejoindre les masses avec des produits de qualité à prix accessible.

Cependant, ce qui a vraiment permis aux contenants de polyéthylène aux sceaux brevetés de conquérir le monde, c'est n'est pas le génie du produit lui-même, mais bien le fameux système de vente porte à porte et les non moins célèbres démonstrations Tupperware. Une femme, du nom de Brownie Wise (debout, à droite, sur la photo), est à l'origine de cette approche marketing. Face à l'échec des ventes de ses produits dans les magasins, M. Tupper remarqua que seule la technique Brownie Wise réussissait à écouler ses produits. Sans Mme Wise, il est donc possible d'imaginer un monde sans Tupperware, où ce produit serait tombé dans l'oubli total vers la fin des années 40. Un triste monde, convenons-en.

Pourquoi je vous raconte tout cela?

Malgré le génie d'Earl Tupper, son invention avait besoin de plus. Elle avait besoin d'un contenant. Sans cette approche formelle, sans ce contenant, ce contenant (qui est ici notre contenu) n'aurait pas eu le succès qu'il méritait. Vous m'suivez? On a beau avoir les meilleures idées du monde, si elles ne sont pas mises en valeur par un attrayant contenant quelconque, on risque de garder nos idées géniales dans le noir.

Imaginez si on choisissait nos chanteuses populaires uniquement de par leurs voix. Madonna? Madonna qui?!? Imaginez le communisme sans son rouge vif: un échec assuré (mais dès le départ, cette fois-ci). Imaginez l'humain, sans son corps, ses formes, son apparence physique: qu'un magma d'émotions ingérables et des pensées insaisissables. Bref, sans contenant, le monde serait plate en maudit.

Notre monde est un monde tangible. On peut le percevoir avec nos cinq sens. Comment pouvons-nous rester aveugle devant ce fait? C'est ce qui est à l'intérieur qui compte?

I don't think so.

Bon. Assez parlé Tupperware pour aujourd'hui. C'est de ça qu'on parlait, non?

samedi 20 mars 2010

J'aspire à mieux

Chose promise, chose due.

Un vidéo d'art (avec un grand A), mettant en vedette mon tiroir à épices.

Aussi disponible, en meilleure définition, sur Youtube!

vendredi 19 mars 2010

Objets rêvés

J'ai fait un rêve troublant la nuit dernière. J'ai rêvé que je déménageais. Un cauchemar, quoi. Un réel déménagement est déjà en lui-même cauchemardesque, mais un déménagement créé par notre cerveau, la nuit, pour se divertir pendant qu'on ne s'occupe pas assez de lui, c'est encore pire. Bien sûr, comme c'est souvent le cas dans les rêves, tout était exacerbé.

Je devais trier toutes les boîtes qui se trouvaient dans ma chambre (qui n'était pas ma vraie chambre, il va sans dire). Les boîtes étaient usées, déchirées et aux formats variés, ce qui m'a tout de suite rassuré que cette situation n'était qu'un rêve. Jamais je ne déménagerais avec autre chose qu'une armée de boîtes identiques. Ce n'est pas une coquetterie. Ça s'empile tellement mieux... Bref, les boîtes qui traînaient partout dans ma chambre (qui ressemblait à ma chambre d'enfant, au fait) étaient remplies à craquer de sacs, de petites boîtes et de contenants divers qui étaient eux-mêmes remplis d'objets hétéroclites. Je devrais peut-être même dire ici: de cochonneries.

En effet, dans ce troublant monde parallèle créé par mon subconscient en mal de sensations réelles, je n'avais jamais jeté quoi que ce soit au cours de ma vie. Ainsi, je retrouvais tous mes vieux jouets, mes vieux livres d'école, mes souvenirs de voyage... tout! Je fouillais, fouillais et je tombais sur des choses de mon passé (mon passé inventé, mais mon passé tout de même) que jamais je n'avais osé mettre aux poubelles.

J'ai des images claires de ce rêve: des photocopies de timbres cubains mal découpés à la main par moi-même, enfant (je n'ai jamais collectionné les timbres, encore moins les photocopies de timbres); des segments d'équipement sportif datant des années 70 (moi qui n'ai pas été sportif pour deux sous pendant mon enfance); un pantin plat articulé de Mickey Mouse, mais dont la tête avait été remplacée par la tête de Boy George (don't ask).

Le drame, c'était que je voulais me débarrasser de tout ça, mais que chaque nouvelle boîte laissait apparaître de nouvelles trouvailles troublantes. Je me disais: «Ça? Je n'ai plus besoin de ça! Pourquoi est-ce que j'ai même pensé conserver ça tout ce temps-là?»

Ce voyage dans mon passé (qui, je le répète, n'est pas mon réel passé, mais celui de quelqu'un d'autre qui se fait passer pour moi la nuit) avait aussi son côté agréable. J'étais attendri devant certains objets. La carte postale, aux contours ondulés, écrite par ma mère, montrant un avion en plein vol (vous aurez compris que cette carte postale n'a jamais existé...), m'a touché. Des rouleaux et des rouleaux de vieux tapis qui ne sentaient même pas mauvais m'ont fait penser à la maison de mon enfance (pas la vraie, mais vous le savez, non?). Des dessins d'enfant créés de ma jeune main (c'est bon, vous avez compris) me montraient des logos imaginaires, très design, pour des compagnies tout aussi imaginaires et j'en étais impressionné.

Tout ça: c'était moi. C'était ma vie. Et je jetais pourtant tout cela dans des sacs de poubelle. C'était triste, mais ça soulageait. C'était tendre de découvrir chaque morceau, mais déboussolant d'imaginer que pendant toutes ces années, j'avais accumulé, accumulé, accumulé.

À mon réveil, j'ai été soulagé de ne pas être encombré de tous ces objets rêvés.

Mais, au fait, ne l'étais-je pas tout de même un peu?

jeudi 18 mars 2010

Tupperwareban


OK, OK, on se calme, les sujets sérieux. Ça va faire. Certains sujets sont plus à leur place dans des contenants autres que Tupperwareblog.

Voici donc aujourd'hui une top liste de dix sujets bannis de Tupperwareblog:

  1. La faim dans le monde (j'ai jamais compris ça, moi. Me semble que moi, j'ai toujours des restes qui pourrissent dans des Tupperware au frigidaire.)
  2. La guerre (Je n'exclus pas quelques références à La guerre des clans.)
  3. La religion (Un Dieu créateur de l'univers, c'est pas crédible, à mon avis. Si c'est un seul Dieu qui a tout créé, pourquoi il se ferait compétition à lui-même avec des marques de commerce différentes. C'est un non sens.)
  4. La violence (Sans violence, comment ils écriraient des séries télé comme 24? Ça serait plate, avouez-le.)
  5. L'environnement (Moi, quand j'entends parler de notre planète qui souffre, je me dis tout le temps que notre planète, elle s'en sacre pas mal, de la pollution. Elle, est ben correct avec ça. C'est l'humain qui est dessus qui chiale.)
  6. Le village global (Pourquoi j'ai toujours des images de drapeaux arc-en-ciel plantés partout sur la Terre, avec des drag-queen comme politiciens et des gars de cuir comme leaders religieux?)
  7. L'inceste (Tant que ça reste dans la famille...)
  8. L'injustice sociale (J'ai pas de one-liner. J'ai juste pas grand chose à dire sur le sujet. C'est pas juste pour l'injustice sociale, mais c'est de même.)
  9. Le sport (Demandez-moi de nommer un seul athlète qui a performé aux Jeux Olympiques de Vancouver et je vais vous parler de Johnny Weir. Je les aimais, moi, ses costumes. Enfin, quelqu'un qui a compris que c'est l'apparence qui compte.)
  10. L'importance du contenu (Je me TUE à vous le dire depuis des mois: c'est le CONTENANT qui compte.)
Un vidéo d'animation mettant en vedette mon tiroir à épices ou une petite suite à mon Conte canadien, me semble que ça s'impose, maintenant...

mercredi 17 mars 2010

Sans titre (et sans photo)

C'est donc mieux, un contenant neuf, pas vrai? Il y a une joie à dévisser un couvercle qui laisse voir une pellicule métallique collée, qu'on soulève pour découvrir le lac lisse d'un beurre de pinottes intact. Du Coke en canette, c'est donc meilleur qu'en bouteille de deux litres. En petite bouteille rétro, encore mieux. On débouche et ce qui se trouve à l'intérieur est juste pour nous. C'est un plaisir égoïste qui ne nous déçoit jamais par un manque de pétillement.

Quand j'étais petit, j'arrivais à saliver en regardant les annonces de margarine Fleischmann qui mettaient en vedette un Yves Corbeil intrépide en imperméable jaune gravissant une paroi rocheuse au bord d'un océan en colère avec un petit sac en bandoulière contenant rien de plus qu'un peu de pain, un couteau et un pot de margarine non entamé. La margarine (en plus d'être d'un beau jaune, comme l'imperméable - c'était la belle époque), formait une spirale délicieuse qui ne demandait qu'à ce qu'on lui plante un couteau pointu dedans. Il n'y a jamais eu rien de bien appétissant à consommer du gras de synthèse salé et coloré, mais l'image du pot vierge était saisissante. Miam, miam.

On nous aurait montré un contenant à moitié vide, plein de miettes de toasts, et qui en aurait voulu?

Je regardais un reportage sur l'hymenoplastie, cette chirurgie qui permet de reconstruire l'hymen chez les femmes qui souhaitent «retrouver leur virginité». Vous comprendrez vite le rapport, ne vous en faites pas. Or, dans ce reportage, une femme disait, à propos des hommes de certaines cultures, que pour eux, une femme, c'est un objet. Et que les objets, quand on se les procure, on les désire neufs.

Bon. Je ne vous ai pas habitué à des réflexions sociopolitiques, encore moins si elles ne contiennent aucune trace d'ironie, mais cette phrase m'a fait un choc.

C'est étrange, les cultures étrangères. Ça intrigue. On cherche à accepter. À comprendre. Cette fois-ci, je n'y suis pas arrivé. Une femme, plus loin dans le reportage, disait qu'elle ne respectait pas toutes les cultures, mais bien uniquement celles qui méritent notre respect. J'ai trouvé ça juste. Mais pour respecter, il faut d'abord chercher à comprendre, non? Pour comprendre, il faut une ouverture. Cette ouverture ne doit pas être à sens unique. Je m'ouvre, l'autre aussi. L'autre, pour le moment, ne m'a pas convaincu qu'il se soit ouvert.

Et une fois ouvert, si un jour ça arrive, une fois la pellicule métallique retirée, pourquoi j'ai l'impression qu'il n'y aura pas une belle surface lisse, mais que des traces dégoûtantes?

Ou, pire, du vide?

mardi 16 mars 2010

Contenant recherché

C'est-tu juste moi où y'a plus personne qui utilise ça? Le pot en Tupperware pour le lait en sac de plastique est-il disparu?

Si oui, sa photo va-t-elle se retrouver sur une pinte de lait?

lundi 15 mars 2010

Décoration intérieure

Si c'est vraiment l'intérieur qui compte, pourquoi ne pas profiter du printemps qui arrive pour y faire un peu de ménage? Attention, ici, je parle d'intérieur comme dans cette phrase qu'on répète tout le temps (pour se convaincre qu'elle est vraie, j'imagine): «C'est L'INTÉRIEUR qui compte» et je ne me réfère pas à l'intérieur comme dans «décoration intérieure». Quoique une petite couche de peinture et des nouveaux luminaires au plus profond de notre âme, des fois, ça ferait du bien, non?

Alors, comme dans une émission à Canal Vie, nous verrons donc les techniques pour rafraîchir notre intérieur, qui sont simples, au fond. Il suffit de suivre les étapes, pas à pas.

D'abord, une animatrice. Elle doit être plaisante, souriante, agréable à regarder et obsessive compulsive, si possible. C'est votre animatrice intérieure qui vous permettra de passer d'une étape à l'autre sans perdre trop de temps. Elle sera votre guide. Si vous préférez, vous pouvez aussi opter pour l'homosexuel vaguement efféminé (en duo, c'est hyper efficace) pour un rythme plus punché, au risque d'être égratigné un peu au passage.

Imaginez votre animatrice. Elle fait sa première visite au plus profond de votre âme. «Bonjour, je suis ici à l'intérieur de (insérez votre nom), qui a fait appel à nous afin de résoudre ses problèmes intérieurs.» Là, la caméra montre tout ce qui est laid en vous. Elle insiste sur les détails les plus sordides. L'image est terne, comme dans la première partie d'une infopublicité où la fille aux cheveux gras se bat avec son rouleau de Saran Wrap. On y voit du ressentiment mal agencé. Des frustrations installées trop haut sur les murs. Des souvenirs troublants, poussiéreux, qui traînent un peu partout. Des peines passées de mode, sortant tout droit des années 80. Ce segment est court. On ne doit pas insister (et puis, on y reviendra pour la finale - soyez patients).

Ensuite, le deuxième segment: ce qu'on va vouloir accomplir. Une courte entrevue entre votre animatrice et vous permettra de cerner les objectifs.

Vous: Moi, j'ai toujours été une personne troublée. J'aimerais peut-être voir un peu plus clair dans ma vie.

Votre animatrice intérieure: J'ai justement pensé installer quelques halogènes, ça devrait aider, ça.

Vous: Oui, et pour voir la vie en rose, j'ai essayé toutes sortes d'approches, mais ça n'a jamais marché.

Votre animatrice intérieure: Oui, on pourrait peinturer en rose, mais j'ai plutôt choisi une couleur crème super apaisante, qu'on va puncher avec des accessoires fuchsia, comme des coussins et des beaux rideaux.

L'animatrice a le dernier mot. Vous ne devez jamais la contredire. N'oubliez pas. C'est vous qui êtes dans la marde, pas elle.

Le troisième segment (après la pause), est un moment crucial. On va vous vider complètement. Une équipe vêtue de t-shirts assortis va entrer en vous pour s'attaquer à cette étape. L'usage de l'accéléré est de mise. C'est pas beau à voir, ça fait mal, c'est humiliant. Vous vous retrouverez après ce dur exercice sans aucune émotion. Vous ne ressentirez plus rien. Ça donne lieu à des images troublantes, sur lesquelles il ne faut pas trop insister.

Le quatrième segment (après une autre pause, d'Ikea, par exemple) fera beaucoup de bien. En vous, ça travaille fort. Le menuisier sexy vous fait des nouvelles tablettes pour vos émotions, la designer vous montre de vrais beaux échantillons de tissus pour remplacer vos tissus de mensonges, l'animatrice peinture vos parois sensibles sans même tacher ses vêtements. Parfois, il y a des moments plus difficiles, comme un sofa qui ne passe pas par la porte que vous gardez trop étroite, mais, qu'à cela ne tienne, on le passera par une fenêtre! Il n'y a que des solutions. La musique ponctuera les moments les plus cocasses, comme par exemple: un coup de pinceau coquin sur le nez du menuiser sexy qui fait une face de faire semblant qu'il n'est pas content, mais il est très content, au fond. Il est tellement sexy avec un peu de peinture au bout du nez.

Il y a toujours une autre pause ici. Ensuite, on passe au cinquième segment. Ce segment est d'abord très rapide. C'est le travail de finition. On fluffe des coussins qui vous rassurent. On allume des flammes pour égayer les zones éteintes. L'animatrice se croise les bras de satisfaction en regardant la caméra. Le clin d'oeil est permis. Vous, tout ce temps-là, vous n'êtes pas présent. Vous êtes ailleurs. C'est mieux comme ça. C'est votre intérieur à vous, mais vous connaissez-vous vraiment? En plus, on ne vous veut pas dans le chemin quand on cache au sous-sol de votre inconscient les quelques éléments inquiétants dont il a été impossible de se débarrasser (par exemple: votre père qui s'habillait en femme pour battre votre mère, c'était vraiment trop gros, trop difficile à jeter). Sans vous dans les pattes: ni vu, ni connu.

Le sixième segment arrive, après une pause courte mais nécessaire. Vous allez enfin vous retrouver. Vous ouvrez les yeux. Merveille. Vous voyez enfin la vie avec les yeux du coeur. Tout est bien placé, agencé finement, avec des beaux tapis de chez Ikea. En vous, c'est l'harmonie. De pâles flash-backs de qui vous étiez avant se fondent avec cette nouvelle image de vous. Vous versez une larme, si possible. L'animatrice vous prend dans ses bras. Le menuisier sexy est à côté de vous, fier de lui, fier de vous. Il a nettoyé la peinture de sur le bout de son nez. Une fois l'émission terminée, l'équipe vous laisse à vous-même, au centre de vous-même. Générique.

À vous, maintenant, de ne pas tout aller gâcher avec vos vieilles cochonneries.

dimanche 14 mars 2010

Un rangement efficace!

Des mots, des mots, des mots... Y'en a-tu, des mots? Des fois, il m'arrive de ne pas me fier au correcteur de mon logiciel Word (et je fais bien) et je sors cet outil qui semble venir d'une époque reculée: un dictionnaire.

J'aime ça, les dictionnaires. C'est pas si gros que ça, mais my God, que ça contient! Si mon garde-robe pouvait contenir autant qu'un dictionnaire, j'aurais peut-être fini par les garder, mes pantalons Diesel noir avec une fine rayure gris argenté acheté trop chers sur un coup de tête, mais que je n'ai presque pas portés, tellement ils me moulaient le lunch de façon carrément pornographique. C'est pas mêlant, tout nu avec une cagoule à zipper pour la bouche, j'aurais eu l'air moins pervers qu'avec ces pantalons-là. On achète des choses, des fois... Bref, je fais régulièrement l'inventaire de mon garde-robe afin de me débarrasser des vêtements que je n'ai pas porté depuis un bout. J'amène tout ces vêtements à l'Armée du Salut (certains sont neufs) et je me dis que c'est une façon détournée que j'ai trouvée d'explorer ma générosité. Dommage que ça ne me donne pas de reçu pour les impôts.

C'est une question de survie: l'espace qui semble si vaste, au début, se remplit à une vitesse folle. Mais je voulais vous parler des dictionnaires.

Dans un prisme rectangulaire de 23,5 cm X 15,5 cm X 7,25 cm, on arrive à ranger des milliers de mots. Des dizaines de milliers, même. C'est pas beau, ça? Quelle efficacité de rangement. En plus, des fois, on réussit à intégrer à ce volume des illustrations (mon Petit Larousse illustré en contient 4600), des cartes (292) et des planches visuelles (100). Mieux encore, ce qui pourrait être un fouillis total s'avère toujours facile à consulter. Tout est bien rangé. L'ordre alphabétique, quelle merveille.

Une telle capacité de rangement permet toutes sortes de folies. Ce n'est pas parce qu'un mot nous donne l'air d'un personnage de marin dans un film porno tellement nos bijoux de famille sont projetés vers l'avant sous une mince couche de tissu extensible qu'on doit se gêner. On peut garder ce mot, même s'il risque de ne pas trop servir. Il prend si peu de place, au fond.

Ainsi, on retrouve dans un dictionnaire plusieurs mots courants, mais aussi des mots qui, vraiment, ne serviront peut-être qu'une seule fois dans une vie. Si on parle beaucoup. Par exemple, j'ouvre mon Larousse au hasard et je tombe sur le mot «babouvisme». Je suis attiré tout de suite par ce mot, situé juste en-dessous d'une illustration de babouin. Je lis la définition: «Doctrine de Babeuf et de ses disciples, visant à instaurer une sorte de communisme égalitaire.» Intéressant. Je serais même tenté de voter pour ça, moi, des fois. Pourtant, je ne crois pas que j'aurais eu la chance au cours de ma vie d'utiliser ce mot. Avouez que c'est assez spécifique. Pas grave! Y'a de la place dans le dictionnaire! On garde!

Tiens, allons voir les «P»... Je trouve «pétéchie», qui a pour voisin immédiat «pet-de-nonne», afin d'attirer un peu d'attention sur lui. Une pétéchie (du mot italien petecchia, peste), c'est une «Petite tache rouge sur la peau, caractéristique du purpura». Le «purpura»?! Quoi? Pas une autre maladie qu'on risque d'attraper? Je (par)cours à toutes jambes vers «purpura», pour y trouver la définition. Soulagement. Je ne risque pas de mourir du purpura. Rien de grave. C'est un «bleu» et pas beaucoup plus. Ouf. Grâce à «pétéchie», j'apprends donc que le purpura est sans danger. Ce mot est un deux pour un, quoi!

Suis-je un inculte total, ou ai-je raison de ne pas connaître ce qu'est une «thyiade», autre mot trouvé en ouvrant une page à l'aveuglette? La définition déçoit: «Ménade». C'est minimaliste, ça dit tout, non? Je n'irai même pas voir «ménade», de peur de revivre une autre déception. Cela dit, je suis ravi que ces mots trouvent leur place dans mon bloc de 2640,8125 cm cubiques. On ne sait jamais, ces mots pourront toujours servir! Je crois entendre ma mère qui garde des morceaux de styromousse provenant de certains emballages, au cas où elle trouverait un jour une façon de s'en resservir. À Noël, peut-être?

Faisant fi de tout problème d'espace, certains mots figurent au dictionnaire, mais semblent inventés pour le bienfait d'une communauté extrêmement réduite. Le mot «cers», ce fameux vent violent d'ouest ou de sud-ouest, qui souffle sur le bas du Langedoc, décidémment, je pense qu'on peut dire qu'il est réservé aux happy few. Parfois, c'est comme si des mots n'allaient être employés que par une seule personne, une seule fois. «Riemannien», c'est un mot totalement égocentrique. Il fait référence au gars qui un jour a pensé à ce principe (je vous le donne en mille): un dénommé Riemann. En plus, une fois utilisé, il est comme brûlé. Répétez-le trop souvent et on vous dira: «Ah, la ferme, avec ta géométrie riemannienne!»

J'ouvre à une autre page, un peu plus loin, et je trouve «e-mail», tout près de «émasculer». Un nouveau mot qui tente de faire sa place. Pas de problème, le dictionnaire est prêt à accueillir des nouveaux mots! Car oui, oui, on se débarrasse aussi de mots complètement oubliés, mais: who cares? On ne va pas s'embardoufler pour autant. (Bon, je fais mauvais usage de ce mot, qui veut dire pour nos amis suisses: «Couvrir de peinture, de crème, de boue, etc.», mais je n'ai pas pu résister.) Y'a de la place dans le dico, mais faut pas charrier. «Coticé», ça vous est utile, j'imagine? C'est trop long, dire: «chargé de bandes étroites traversant diagonalement l'écu»?

Même avec un système de rangement super efficace, on doit donc parfois mettre des mots dans des sacs de poubelle et domper ça devant la grande porte de garage de l'Armée du Salut.

Ça va faire des pauvres vraiment lettrés, ça, un jour. Avec des pantalons Diesel qui leur font un méchant paquet.

samedi 13 mars 2010

Mon nazi intérieur

Des fois, je me fais peur.

Je fais des actions simples, hyper quotidiennes, et soudain, je m'observe et je ressens un petit malaise. La plupart du temps, c'est à cause de gestes qui passent inaperçus, du moins, pour l'oeil non averti. Je plaçais des napperons, il y a de ça quelques minutes à peine. Ce sont des napperons rectangulaires (vous ne me verrez jamais acheter des napperons ovales, ou, pire ceux qui ont des coins coupés pour former des genres d'octogones rectangulaires: au secours! Non, mais, il ne faudrait pas réglementer les formes géométriques? Bon, bon, par partout, mais avouez qu'il y a un excès de formes non harmonieuses et de courbes inutiles dans ce monde et il est temps d'y voir.) qui possèdent un motif à carreaux (un des rares motifs permis chez moi - non, en fait, le seul). Attention, encore une fois, tous carreaux ne sont pas admis. Il faut une absence de contraste dans les couleurs et aucune (je dis bien: aucune) référence à une atmosphère campagnarde. La campagne, c'est à la campagne que ça doit aller. Pas en ville. Moi, des coqs en poterie au-dessus de mes armoires, je dis: «non». C'est pas difficile et ça fait tellement de bien. De toutes façons, il n'y a aucune raison d'avoir de l'espace ouvert au-dessus des armoires d'une cuisine. C'est de l'espace gaspillé, ça ramasse la poussière et, un jour, même les plus vigilants finissent par y exposer des paniers en osiers ou des jarres à biscuits soi-disant rigolotes, mais qui ne créent que fouillis visuel (en plus de ne jamais contenir de biscuits, ce qui est un non sens).

De quoi je parlais, donc?

Ah, oui, je plaçais mes napperons. Pour un brunch qui aura lieu demain, je voulais prendre un peu d'avance et j'ai mis la table. J'aime bien prendre un peu d'avance quand je reçois. Tout semble se dérouler de manière tellement plus huilée. Bon, je ne vais pas jusqu'à préparer des petits bols pour chacun des ingrédients (comme dans les émissions de recettes à la télévision - avez vous hâte à l'ouverture de la chaîne Zeste? Moi oui.) du met qui sera préparé en présence des invités (ça fait tellement plus sympathique quand les invités nous voient cuisiner, non? Ce sera le cas de mon fameux pain doré - un délice!), mais je coupe tout ce qui peut être coupé d'avance, je mélange tout ce qui peut être mélangé d'avance, je lave tout aliment qui peut être lavé d'avance et je mets chacune de ces préparations dans des petits Tupperware (de marque Rubbermaid)... Alors, en fait, si on veut: oui, je prépare effectivement des petits bols pour chacun des ingrédients comme dans les émissions de recettes, mais là n'est pas mon propos. Je mettais la table. Ça me fait penser. Avez-vous une table de salle à manger ronde, ovale, carré ou rectangle? Ça m'a pris des années d'expérimentations, mais j'en suis venu à la conclusion qu'encore une fois, c'est la table rectangle qui remporte la palme tant au niveau visuel que pratique. Le visuel et le pratique, au fond, ne sont-ils pas de toutes façons deux faces d'une même pièce? Form follows function, non? Le médium, c'est le message, quoi.

Je plaçais donc les cinq napperons. Je dois m'interrompre ici pour mentionner que normalement j'évite soigneusement d'avoir un nombre impair de personnes à table. C'est vraiment plus difficile à équilibrer. Cette fois-ci, je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai imaginé que nous serions six. Toute la semaine, j'en étais convaincu. Trois d'un bord, trois de l'autre: c'est le nombre de convives idéal, vraiment. Quoique j'aime bien quatre, aussi, c'est plus intime. Il y a moins de risques d'avoir plusieurs conversations en même temps, ce qui me rend toujours un peu embêté. Je regarde à gauche: on parle de voyages. Je regarde à droite, on discute Oméga 3. Je préférerais parler de voyages, mais c'est une conversation fermée. Je ne suis jamais allé en Inde, qu'est-ce que vous voulez? Je n'ai rien à dire sur le sujet, vraiment. Ça ne m'intéresse pas, aller en Inde. Un fleuve dégueulasse où les gens vous se baigner pour se purifier, moi, ça ne me rentre juste pas dans la tête. J'en ai des frissons. Alors, je suis pogné pour m'intéresser aux Oméga 3. J'essaie de faire des liens: «En Inde, si ils ne mangent pas de vaches, parce qu'elles sont sacrées - c'est vrai ça, au juste? - alors, ils doivent bien manger du poisson? Du saumon, peut-être? C'est pas plein d'Oméga 3, ça?» La plupart du temps, c'est un échec. Alors moi, dans ma tête, je cherche un nouveau sujet qui va intéresser tout le monde. Je suis l'hôte: c'est mon rôle, non? La politique et la religion, c'est mieux d'éviter. Le sexe? Souvent, ça marche. «J'ai jamais vu ça en vrai, un pénis de transsexuel, moi. Vous?» Réactions assurées.

Bref, à cinq (car tout ce temps-là nous allions être cinq - toute la semaine, j'avais mal calculé. Était-ce du déni?), j'ai décidé de placer une personne au bout et de contrebalancer l'autre bout où personne ne sera assis par un arrangement floral sobre et harmonieux. Seulement, j'ai bien peur que du moment où j'arriverai avec le plat d'oeufs brouillés, quelqu'un dira: «On devrait bien déplacer les fleurs, pour faire de la place» et là, je ne pourrai pas répliquer: «Touche à ces fleurs-là et je t'arrache la face!». Pendant toute la suite du repas, les fleurs trôneront donc sur la table à café, qui était pourtant très bien comme elle l'était auparavant et qui paraît toujours déséquilibrée avec des objets trop verticaux. Moi, j'avalerai de travers mon saumon fumé en me disant que plus jamais je ne mettrai au menu du saumon fumé, au risque qu'on me resserve l'imbuvable conversation sur les Oméga 3.

Pour bien disposer cinq napperons, le truc, c'est de partir avec celui qui se retrouvera au bout. On le centre sur l'arrête la plus courte du rectangle de la table qui donnera la vue la plus agréable (sur l'extérieur, c'est souvent winner). Ensuite, il restera les quatre autres napperons à placer. Pour ce faire, il suffit de mesurer la longueur de la table, en soustraire la dimension la plus courte du napperon, soustraire ensuite la dimension la plus longue du napperon (multipliée par deux), retenir la mesure obtenue, puis diviser par trois. On obtient ainsi la distance à prévoir entre chacune des places (si on ne divise pas par trois, mais par deux, on oublie l'espace entre le côté inoccupé et le napperon le plus près). Je mettais donc en pratique cette méthode (pourtant simple) et je me suis vu: j'ai plié les genoux afin de situer mon regard à la hauteur de la surface de la table, pour vérifier si l'espace entre les deux napperons d'un des côtés était équivalent à l'espace entre les deux napperons de l'autre côté. Tout était parfait. Tout, sauf une des serviettes de table qui n'était pas pliée de la gauche vers la droite, mais de la droite vers la gauche. Machinalement, j'ai replacé la serviette de table comme les autres.

Sur le coup, je me suis senti mieux. Mais une seconde après, le malaise est apparu. Ça m'a fait un peu peur, même. J'ai pensé à Hitler. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'ai imaginé, à ma table, mangeant des oeufs brouillés. Il semblait parfaitement de bonne humeur jusqu'au moment où, du coin de l'oeil, il voyait la serviette de table que je n'aurais pas replacée (dans ce moment imaginaire, j'aurais résisté à replacer la serviette de table). Alors, il a frappé, de son poing, sur la table, s'est levé en hurlant quelque chose en allemand, a claqué les talons et est sorti de chez moi en furie.

Avant même d'avoir goûté à mon fameux pain doré.

vendredi 12 mars 2010

Les fonctionnaires

Il peut répondre à vos questions, mais en pigeant dans une banque de trois réponses types. Il voudra vous aider, mais ne tentera jamais de réfléchir à une solution. Il vous proposera des choses, mais vous devrez suivre les directives à la lettre. Il est l'ennemi numéro un de l'imagination: c'est le fonctionnaire bucké.

J'ai ben de la misère avec cette race mystérieuse que forment les fonctionnaires buckés. Je n'arrive pas à comprendre comment leurs cerveaux fonctionnent. Pourtant, placer les choses correctement dans leurs contenants respectifs, avec une certaine rigueur, ça me connaît. Cela dit, étrangement, je n'arrive pas à supporter la mentalité des fonctionnaires buckés. Pour eux, une case c'est fait pour cocher, pas pour ranger votre jackstrap humide pendant que vous prenez votre douche. Chaque chose doit être à sa place, ou alors, elle n'existe carrément pas.

Bien entendu, tous les fonctionnaires ne sont pas nécessairement buckés, mais disons que ça aide à obtenir le poste. Cette panoplie de formulaires, de directives, de façons de fonctionner, c'est quelque chose qui arrive vraiment à imprégner le cerveau. Ça affecte la pensée. «J'aimerais bien vous aider à retrouver votre enfant kidnappé, mais je dois d'abord cocher la bonne case: a-t-il été abusé sexuellement ou non?» Cette phrase (extrême) montre bien comment le fonctionnaire bucké pense. Il veut bien prendre en note votre témoignage sur l'état de santé précaire de votre grand-mère, mais sans sa ville natale, il ne peut rien faire. Bien sûr, il est évident que vous avez mérité votre carte d'accès (il vous connaît depuis des années), mais sans votre numéro matricule, il n'y a aucune issue, vous n'êtes pas mieux qu'une putain cheap de la rue Ontario qui vient de Labrador City. Oui, on vous a floué de plusieurs milliers de dollars, mais vous devez tout de même cette somme de 130,90$, plus les intérêts. Il vous demanderait bien de vous asseoir, mais il ne voudrait surtout pas offenser votre mentalité religieuse qui vous dicte que tout ce qui implique votre cul est un péché.

Le bon sens, pour les fonctionnaires buckés, c'est l'envers du possible. Si une solution semble trop facile, le fonctionnaire bucké se méfie. Il y a sûrement une procédure qui viendrait complexifier l'affaire. Sinon, il fouillera avec soin ses documents afin de trouver la brèche qui empêchera à l'intelligence de prévaloir. C'est comme un épisode du quizz «Le mur», mais sans les costumes qui moulent la poche des participants.

Le fonctionnaire bucké a ses alliés: ses supérieurs, son système informatique et sa convention collective. «Mais, madame, comprenez-moi bien, ce n'est pas moi qui ne veut pas régler votre problème, c'est mon patron qui ne sera pas content.» «Oui, c'est clair, on vous doit 2300,00$, mais ici, à l'écran, c'est vous qui nous les devez.» «Cette situation d'urgence mérite vraiment qu'on s'y attarde, alors revenez nous voir lundi prochain, entre 9h00 et 11h30. Ah, bon, vous n'êtes pas disponible les lundis? Je peux vous proposer un mercredi après-midi dans six mois.»

Parfois, je rêve d'un monde où même si aucune case de formulaire ne s'applique à nous, nous existons tout de même. Ça serait pas beau, ça? «Sexe? M ou F? - Non. W.», «Nom de famille de votre mère? - Disons que c'est une slut qui n'en mérite pas, de nom de famille.» ou «Quelle langue est pratiquée dans votre foyer? - Celle de pépère est assez agile, merci.»...

Qu'est-ce qui a poussé l'être humain à créer cette race ignoble qu'est celle des fonctionnaires buckés? C'était trop beau, la vie, et il fallait bien qu'on paye pour? On a trouvé que des normes strictes allaient aider à contenir nos dangereuses pulsions animales? Les ventes d'habits beiges et de cardigans chutaient-elles à ce point?

Ou alors, est-ce moi, qui est mal adapté? Si tel est le cas, je vous en prie, mettez-moi en contact avec le service gouvernemental approprié.

jeudi 11 mars 2010

Off

Je suis off. Des années en retard, j'aimerais vous parler de Facebook. En fait, non, je n'ai vraiment pas envie de parler de Facebook. C'est pas parce que je me suis enfin inscrit aujourd'hui que j'ai quelque chose de nouveau à dire sur le sujet. C'est un vieux sujet, de toutes façons. Comme parler des Teletubbies, du dernier Bye-Bye de Dominique Michel ou de Québec 84. C'est pas nouveau, c'est pas rétro, c'est juste off.

Par contre, je veux bien vous parler du sentiment que j'ai eu en me découvrant, en quelques heures seulement, 44 amis. Ça m'a fait peur. J'ai eu une impression de vertige, comme si je tombais dans un puits sans fond. Ça fait peur, un puits sans fond. Le fond d'un puits, ça fait mal, mais quand ça arrive, au moins, on le sent. On le voit venir. On tombe, mais on sait que ça va s'arrêter. Le vertige, c'est bien pire. C'est pas une crainte de s'écraser au sol, mais justement, de ne jamais retrouver le plancher des vaches. J'ai déjà 44 amis aujourd'hui et, vraiment, je ne suis pas assez sympathique pour être gentil avec 44 personnes. Encore moins avec le nombre sans cesse croissant qui risque de me tomber dessus.

Mon malaise est comparable à celui d'une fillette qui ouvrirait une poupée gigogne pour trouver à l'intérieur une autre poupée, pas plus petite, mais plus grosse encore que la première. Dans cette deuxième, une autre, encore plus grosse. Et ainsi de suite. Toute sa vie, sans fin. Entourée d'une montagne de moitiés de poupées qui grossit, grossit, grossit, la fillette n'est plus capable de s'arrêter. Elle finira sa vie comme une loser, morte étouffée sous les poupées vides en forme de quilles et aux visages sadiques peints à la main avec des couleurs criardes par une vieille femme russe inquiétante qui doit ressembler à Kim Yaroshevskaya...

C'est une image, bien sûr.

Un contenant se doit d'être plus gros que son contenu. Pensez-y, c'est la logique même. Avec Facebook, le contenant contient trop, beaucoup trop. En même temps, il ne contient rien. Rien que d'autres contenants qui eux aussi ne contiendront que d'autres contenants.

J'ai probablement tort. J'imagine que bientôt je découvrirai en Facebook un outil extraordinaire. Je ne pourrai plus m'en passer. Bien sûr, ce moment coïncidera probablement avec la disparition complète de Facebook.

Je suis off, que voulez-vous. Complètement off.

mercredi 10 mars 2010

Moment présent

Est-ce que vous connaissez un sentiment aussi exaltant que celui qu'on vit lorsqu'on passe des anciens rapports d'impôts au shredder? Moi non plus. Better than sex! Better than chocolate!!!

À chaque année, cette petite récompense arrive comme au baume. On peut enfin lâcher prise, effacer le passé, faire des tapons de lanières de papiers qui ressemblent à de la paille de Pâques, mais avec des petits bouts de chiffres écrits dessus. Justement, ce moment arrive souvent alors que la nature se réveille et que Pâques commence sérieusement à faire sentir sa présence au comptoir du Jean-Coutu de par ses fidèles ambassadeurs que sont les oeufs Cadbury. C'est le cycle de la vie qui nous saute en pleine face: une belle grosse pile de papiers déprimants meurt et le ti-Jésus ressuscite. C'est pas beau, ça?

Il y a un réel plaisir, un soulagement, même, à se défaire de certaines choses. C'est comme quand on tire la chasse pour regarder un gros morceau couler en faisant des spirales. Bon, bon, ne me jugez pas. Qui n'a pas ressenti un genre de fierté à voir le résultat d'une grosse et lente digestion prendre la route des égouts? On se dit: «Bon. Une bonne affaire de faite. Ça fera toujours ça de moins à traîner.» Couper les ponts avec son passé, c'est un vrai présent, quoi.

Pour les papiers d'impôts, c'est pareil. On se sent plus léger quand on s'en débarrasse. Même les plus honnêtes d'entre nous gardent toujours au fond de leur esprit cette idée saugrenue qu'un jour, quelqu'un voudra fouiller dans notre passé. Cette crainte d'avoir à déterrer de vieilles informations comptables n'est pas un sentiment conscient, bien sûr. Mais elle est en nous. Ça nous gruge, lentement. C'est un parasite à combattre. Alors, la déchiqueteuse est comme un remède, qui détruit le méchant. Dommage que cette grâce ne nous soit accordée qu'une seule fois par année, comme un serpent qui mue ou un B.S. qui passe chez le dentiste pour un détartrage gratis.

Malheureusement, ce bonheur n'est que de courte durée. Les papiers, c'est comme des morpions dans un matelas usé de sauna gay: ça se multiplie. Lentement, mais régulièrement, les piles gagnent en hauteur comme de la mauvaise herbe. Les chemises se gonflent comme certaines vedettes sur le déclin. Les filières s'alourdissent comme un texte qui abuse des comparaisons. On croyait avoir conquis l'ennemi, mais le voilà qui nous revient, sournoisement (comme un feu sauvage la veille d'un mariage?). Bientôt, on ne sait plus comment gérer cette nouvelle présence. L'envie de faire appel au shredder est forte, mais notre conscience de citoyen honnête nous empêche d'agir.

Je pense parfois à des incendies imaginaires qui me permettraient de repartir à zéro. Ce fantasme, j'en suis sûr, est partagé par beaucoup de monde. Joe Bocan, entre autres. Mais l'incendie doit rester imaginaire, car tout ce qui s'accumule n'est pas nécessairement néfaste pour nous. Pour se défaire du mauvais, il faudrait alors sacrifier le bon?

La solution est donc d'apprécier chaque instant, de ne pas penser à l'avenir, tout en oubliant notre passé. «Here and now, Robert, here and now», que j'aime bien me dire à l'occasion. Je me souviens de tant de moments heureux où cette phrase m'a sauvé. Et je visualise souvent toutes les fois où, dans mon futur, cette phrase me procurera sérénité.

mardi 9 mars 2010

Avoir l'air intelligent

Je sais pas si c'est juste moi, mais je remarque de plus en plus qu'une partie de la population utilise toutes sortes de trucs pour avoir l'air intelligent. Y'a des sujets, des contextes, des façons de parler ou des looks qui font passer ce qu'on dit pour des réflexions sensées, même si on est pas plus brillant que (entrez nom de personnalité connue que vous trouvez conne ici).

C'est vrai, certains sujets sont devenus des boucliers qui protègent d'avoir l'air cave. Montez un spectacle sur le réchauffement de la planète et provoquez automatiquement des hochements de têtes approbateurs. Vous pouvez être le dernier des idiots, personne ne va se risquer à vous contredire. Même chose si vous êtes un chanteur ou une chanteuse populaire: une belle balade qui parle d'enfants abusés vous protège de la critique, même si au fond, vous n'avez rien à dire. La preuve: «Papa, quand tu m'as touchée - J'ai senti mon enfance déchirée - J'ai vu dans tes yeux un désir - Qui m'a fait craindre le pire». J'ai écrit ça en exactement huit secondes. Faites chanter ça par une chanteuse du genre de (insérez nom de chanteuse québécoise poche ici - vous avez le choix!) et, je vous l'assure, personne n'osera vous critiquer.

Retrouvez-vous à Quatre Saisons (OK, OK, à Z) et parlez de culture: vous n'êtes qu'un homme de Cro-Magnon qui ne sait pas ce qu'il dit. Passez à ARTV ou à RDI, et vos mêmes paroles seront analysées sérieusement. Ce qu'on dit est validé par le contexte. Un sketch de belles-mères des Tannants, mais joué au Théâtre de la Licorne, c'est une oeuvre d'art percutante, mettant en relief les relations familiales souvent fricatives dans un Québec tourmenté par les choix déchirants de son avenir politique, cherchant sa place sur l'échiquier socioculturel mondial.

Connaissez-vous des Français? Oui, de France, là. N'importe quel Européen, en fait, ça marche aussi. Ils peuvent dire vraiment n'importe quoi, mais les mots qu'ils choisissent, leur accent, tout ça donne une apparence d'intelligence à leurs propos. Même pas besoin d'être un vrai Français. Vous pouvez juste faire semblant! Demandez à n'importe quelle chipie des ondes, comme (insérez le nom de Denise Bombardier ici), qui se permet de râler des âneries, mais son accent la fait tout de même passer pour une intellectuelle. Juste de ploguer le mot «intellectuel» dans une conversation vous fera paraître intellectuel. Essayez-le, vous verrez.

Le top du top des méthodes pour avoir l'air intelligent, c'est de se trouver un look qui a l'air intelligent. Des lunettes, c'est un grand classique. Un classique, mais qui a fait ses preuves. Mais cette méthode est plus insidieuse que ça. Il y a toutes sortes de looks qui nous font passer pour du monde talentueux au quotient élevé. Une coiffure originale (genre couette frisée couvrant la moitié du visage - je ne pense à personne en particulier) est un atout solide. Un ruban rouge, rose ou de n'importe quelle autre couleur épinglé sur un col de chemise peut parfois suffire. Les vêtements, bien sûr, y font pour beaucoup. Attention: il ne s'agit pas ici de s'habiller bien. Il est plutôt question de s'habiller comme quelqu'un qui est tellement occupé à relire Simone de Beauvoir qu'il n'a pas de temps à perdre chez Simon's.

Je sais pas pourquoi je remarque de plus en plus tous ces subterfuges, mais je pense comprendre leur utilité. Dans ce monde en péril, tellement préoccupé par la technologie, peut-être est-il plus intellectuellement aisé de ne plus porter attention à ce qu'expriment les gens, mais plutôt aux signes extérieurs faciles à décoder dont ils font usage?

Copiez et collez la phrase précédente, apprenez-la par coeur, allez dans un bar branché de la rue Saint-Laurent, prenez l'accent impossible de Sophie Durocher (j'aurais aimé vous laisser insérer ici le nom de votre choix, mais vraiment, y'a pas mieux) et faites le test.

N'oubliez pas vos lunettes.

lundi 8 mars 2010

Y'a des moments durs à passer, comme un bout croquant dans une boulette de poulet à l'ananas

Quelle est votre méthode de classement pour vos impôts? Je me demande ça, comme ça, parce que quand fond la neige, que le soleil se pointe et que les souliers remplacent les lourdes bottes, il a bien fallu que quelqu'un trouve un moyen de ne pas rendre nos vies trop agréables et ce quelqu'un a décidé que ce serait le temps des impôts. Le bonheur à l'excès, c'est très mauvais pour les masses, faut croire.

Bref, quand vient le temps des impôts, je suis toujours pris d'un crispement des épaules et d'une angoisse terrible, comparable à celle que je vis en passant les douanes, même si je n'ai jamais rien à me reprocher avec ma bouteille de rhum à 12$. Afin de contrer les émotions négatives engendrées par cette période, j'ai imaginé, aidé de mon ancienne comptable, une méthode infaillible pour organiser mes papiers. J'aime l'appeler la méthode des enveloppes. Faisant un pied de nez au réchauffement de la planète, je me munis d'un belle grosse pile d'enveloppes neuves et toutes pareilles, que je numérote et que j'identifie. «REER». «Matériaux de construction». «Frais médicaux». «T4». «Informatique». «Frais de bureau à domicile». Etc. Je dois bien an avoir 50 comme ça. Mon moment préféré est celui où je m'applique à écrire les titres sur les enveloppes avec un Sharpie noir. Je sais pas si c'est le plaisir de former des lettre régulièrement calligraphiées ou l'odeur du marquer noir, mais c'est un moment qui me fait planer.

Par contre, tous les moments ne sont pas aussi roses. La première dure épreuve, c'est celle de sortir la chemise qui contient, pêle-mêle, toutes les factures de mon année. Là, je dois faire le tri (et non, je ne trie pas au fur et à mesure - êtes vous scandalisés?). Cette tache me fait un drôle d'effet. C'est comme si je montais à bord d'une machine à remonter le temps. Je vois, en regardant chacune de mes factures de dépenses, un portrait de mon année passée. Je me dis des choses comme: «My God! J'aime ça, commander du chinois!», «Ayoye, je me souvenais pas avoir vu ce spectacle là: non, mais c'était-tu assez poche?!», «Me semble que la pile des factures de vêtements est un peu haute, je peux bien avoir de la misère à classer mes chemises!» et «Ouais, ça coûte cher, des enveloppes!»... Je vis à chaque fois un malaise, rempli de questions. J'aurais donc dépensé tout cet argent en une seule année? Que me reste-t-il de tout ça en bout de ligne? 531,75$ de coiffures et de nettoyeurs - Am I fucking insane? Est-ce que j'ai juste l'air de dépenser plus que je gagne ou c'est une réalité? Trop de MSG, c'est pas néfaste pour la santé?

Ensuite, je calcule les dépenses liées à ma profession, je remplis quelques enveloppe supplémentaires (genre «Étiquettes personnalisées», même si elles ne servent jamais) et je donne le tout à ma comptable.

Seulement, cette année, je vis un deuil. Ma comptable n'est pas morte, mais n'est plus pratiquante. Elle a défroqué. J'ai donc dû aller voir ailleurs.

Savez-vous que c'est difficile trouver un comptable? Un médecin de famille, à côté de ça, c'est aussi commun qu'une vendeuse de chez Gap (non, mais, laissez-moi magasiner tranquille!). Heureusement, grâce à un réseau de contacts, j'ai trouvé un comptable qui voudrait bien s'occuper de mes affaires.

Le deuxième moment difficile arrive. C'est celui de l'attente. Je vais devoir une fortune, ou m'en tirer, cette année? Vais-je même recevoir un retour d'impôts (dream on, Robert) ou devoir vivre un retour involontaire à la simplicité volontaire? Là, c'est comme attendre des résultats d'un examen médical. Il n'y a rien à faire, sauf attendre. Attendre et s'inventer des scénarios horribles, en concoctant des épisodes improbables, qui dépassent les plus mauvais des films catastrophes (excluant 2012 - faut pas charrier, quand même).

Mon attente est aujourd'hui terminée. Après avoir parlé non pas au comptable, mais à son assistante, une vraie grébiche dont les parties intimes rivalisent de sécheresse avec le Sahara, qui me parlait comme si j'étais un enfant de 12 ans en me réprimandant d'avance sur mon éventuel retard au rendez-vous qu'elle voulait planifier pour que je signe mes papiers (une hostie de bitch folle, fru et fanée, je vous jure), j'ai enfin su. J'évite la catastrophe.

Je suis un peu comme Zoë Paquette. Zoë Paquette (c'est son vrai nom - je devrais pas, mais j'ai pas trouvé mieux), c'était ma voisine de table dans mon cours de Physique en secondaire 4. Avant un examen, elle me disait tout le temps, de sa voix nasillarde d'Anglo du West-Island (son palais mou en travaillait une shot!): «Oh, my God, I'm sooo gonna flunck this test! I didn't study at all». Évidemment, elle se tapait des 95% et plus à tout coup.

C'est donc maintenant du passé, tout ça, pour moi. Enfin, je peux passer à d'autres choses.

Me semble que j'ai le goût d'un numéro sept pour un avec une won ton, moi, là.

dimanche 7 mars 2010

In memoriam

Plus je vieillis, plus les personnes mentionnées dans le segment «In memoriam», aux Oscars, ne me sont pas complètement inconnues. Il n'y a pas si longtemps, il me semble, ce moment me laissait regarder défiler de vieilles photos en noir et blanc d'acteurs de films muets, de réalisateurs fossilisés et de producteurs juifs ayant personnellement connu Jésus. Ce soir, je me rends compte que le temps passe. Très vite.

Des artistes que j'ai connus sont morts. Même Michael Jackson est mort! D'ailleurs, il a eu droit, comme tous les autres, à ses quatre secondes d'extraits et à un montage photographique de sa vie composé de trois images. Est-ce que c'est ce qui nous attend tous, un hommage de quatre secondes et un récit de nos vies tellement schématique qu'il fait paraître un résumé de film sur le guide Illico presque aussi long qu'un roman comme Guerre et Paix? J'ai pensé à ça et j'ai trouvé ça déprimant. Ensuite, j'ai réfléchi davantage et j'ai réalisé que les chances que j'aie mes quatre secondes de gloire post mortem aux Oscars étaient littéralement nulles! Je n'allais même pas mériter quatre secondes!

Après ça, je me suis dit: «So fucking what?». Non, mais, c'est vrai. So fucking what? Je vais être mort. Qu'est-ce que ça va bien me câlisser qu'on me fasse un hommage, court ou long, aux Oscars ou aux Métrostar, avec un numéro musical touchant - mais de bon goût, ou non?

Après ça, j'ai pensé: «Tu parles d'une préoccupation, en fait. C'est pas un peu morbide penser à ça?».

Après ça, j'ai essayé de ne plus penser à ce qui arriverait après ma mort, mais bien à ce que je vivais en ce moment.

Après ça, j'ai réalisé que «ce que je vivais en ce moment», c'était justement ça: penser au fait que mes chances d'avoir un hommage éclair de quatre secondes aux Oscars étaient plus qu'improbables.

Après ça, je me suis convaincu que de penser à ça était normal, mais qu'il ne fallait pas trop s'en faire avec ça; que le plus important était ce qu'on était dans le moment présent, pas le diaporama pour spectateurs en déficit d'attention qu'on allait présenter une fois qu'on lèverait les pattes.

Après ça, j'ai eu à nouveau ce malaise à propos de combien morbide c'était de penser à tout ça.

Après ça, j'ai essayé de me concentrer sur mon moment présent. Mais tout ce que je voyais, c'était moi en train de penser à des choses morbides comme la mort et les Métrostar.

Après ça, j'ai tenté d'arrêter de penser. J'ai pas été capable. Je revoyais la vie de Michael Jackson racontée en trois images comme si ça se pouvait, raconter la vie de quelqu'un en trois images. J'ai imaginé les dilemmes qu'avaient vécu ceux qui avaient dû sélectionner les trois photos en question: «So, the one where he's about to drop his baby down the balcony is out?» et je me suis dit qu'ils avaient quand même eu un minimum de classe.

Après ça, j'ai espéré qu'on ferait preuve de cette même classe quand mon tour viendrait.

Après ça: retour à l'inconfort morbide.

Après ça: «here and now, Robert, here and now!»

Après ça: «Robert, t'es pogné dans une pensé en spirale. Lâche prise, ça finira jamais!»

Après ça: «Pense à d'autre chose, Robert. Quelque chose de vraiment pas rapport...», mais je n'ai rien trouvé. J'étais vraiment pogné dans ma spirale.

Après ça, j'ai pensé à un truc qui ne rate jamais. J'ai tapé «Dead Tupperware» sur Google images. J'ai cliqué sur la première photo qui est sortie. Je l'ai sauvegardée pour l'afficher sur mon message d'aujourd'hui. Pas mal, non? Ça s'intitule: Death by Tupperware.

Heureusement, tout ça, c'est du passé.

P.S.: Plus de détails sur cette artiste visuelle vraiment craquante ici.