Imaginez que chacune de nos pensées produise un petit objet: un petit cube, une boulette, un liquide quelconque, un mini disque, une poudre colorée, je sais pas, moi. Imaginez les problèmes d'espace de rangement occasionnés par tous ces objets-là. Bon, bon, je sais bien que tout est matière, que même nos pensées sont matière, mais avouez que ça demeure une matière assez facile à gérer. La nature est bien faite.
Par contre, des fois, je me mets à imaginer tout l'espace nécessaire si nos pensées étaient comme des petites crottes de notre esprit. Et ça me fait freaker. Il faudrait classer chaque petite crotte correctement pour pouvoir la retrouver, sinon: le blanc de mémoire total. Même si cet objet, cette crotte (j'aime bien l'hypothèse de la petite crotte), était minuscule, il nous faudrait avoir un système de classement impeccable.
Les designers se casseraient la tête pour trouver de nouveaux systèmes pratiques. Nos maisons seraient constituées surtout de garde-robes, de placards et d'armoires, avec juste un peu d'espace autour pour passer. Nos vêtements auraient obligatoirement beaucoup, beaucoup de poches. Tout aurait un petit compartiment de rangement, question d'associer nos pensées à chacun de nos objets usuels. La tour à idées aurait fait fureur dans les années 90. Pauvres designers, eux-mêmes encombrés de toutes leurs idées de concepts. Certains en mourraient étouffés sous des montagnes de crottes. Morts pour la cause. Cordonniers mal chaussés.
Les plus chanceux seraient ceux à propos de qui on dit qu'ils «ne sont pas des cent watts». Le minimalisme serait réservé aux idiots.
Bien sûr, il est clair que nous finirions par nous débarrasser de certaines de nos pensées, ce qui ne serait pas toujours une si mauvaise affaire, au fond. Les pensées sombres? Au bac de recyclage! Les souvenirs douloureux? Enfouis sous terre, ou perdus parmi d'autres dans des dépotoirs géants. Le problème consisterait à bien faire le tri, question de ne pas jeter une bonne idée créative avec un lot de mauvaises. «Merde, j'ai pas encore mis mon idée de cure contre le cancer avec mes réflexions sur les couvertures avec des manches pour s'écraser devant la télé!»
Il faudrait une bonne dose de bon sens et d'organisation. Chacun pourrait élaborer une méthode qui lui conviendrait. Le sportif rangerait ses crottes «mouvements volontaires» à portée de la main. L'intellectuel privilégierait un système pratique pour les mots, la parole et les réflexions profondes. On pourrait mieux connaître tout le monde en observant son système. «Ah, non, pas une autre émotive, qui remplit ses poches d'émotions et de complexes!»... «Dans cette maison-là, tout est pêle-mêle, y'a des pensées qui traînent partout: pas moyen d'avoir une conversation intelligente!»... «Je suis allé chez lui: un mur complet de pensées liées à Kylie Minogue! Tu comprends que je me suis méfié!»... Chose certaine, il serait préférable de bien ranger nos pensées du type «Où est-ce que j'ai donc mis cette pensée, là, moi, donc?», sinon, même le meilleur des systèmes s'avérerait inutile.
J'imagine l'émission à Canal Vie qui donnerait des conseils pratiques, avec une experte en la matière: mi vendeuse de Tupperware, mi thérapeute. Elle se déplacerait chez les gens, dans le but de mettre un peu d'ordre dans leurs idées pendant qu'eux iraient passer la journée au spa. Il y aurait un menuisier sexy. Il y aurait aussi des chroniques punchées du type: «Les pensées profondes: pas besoin de les ranger trop loin!», «Comment créer de jolis motifs à pochoir sur nos tiroirs à idées» ou «Êtes vous alphabétique ou intuitive?».
Dans le dernier segment, les participants reviendraient et diraient en ouvrant les yeux: «Ayoye, est-ce que je suis vraiment chez moi? Ah, regarde, tous mes souvenirs d'enfance sont accrochés au mur! La belle armoire à mots! Je chercherai plus jamais ce que je voulais dire, maintenant. J'aurais jamais pensé penser comme ça.»
Et tout ça coûterait 1000 dollars ou moins.
Je n'imagine pas la grosseur du contenant que ça prendrait pour ranger toute cette créativité!!!
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