J'aime ça, les dictionnaires. C'est pas si gros que ça, mais my God, que ça contient! Si mon garde-robe pouvait contenir autant qu'un dictionnaire, j'aurais peut-être fini par les garder, mes pantalons Diesel noir avec une fine rayure gris argenté acheté trop chers sur un coup de tête, mais que je n'ai presque pas portés, tellement ils me moulaient le lunch de façon carrément pornographique. C'est pas mêlant, tout nu avec une cagoule à zipper pour la bouche, j'aurais eu l'air moins pervers qu'avec ces pantalons-là. On achète des choses, des fois... Bref, je fais régulièrement l'inventaire de mon garde-robe afin de me débarrasser des vêtements que je n'ai pas porté depuis un bout. J'amène tout ces vêtements à l'Armée du Salut (certains sont neufs) et je me dis que c'est une façon détournée que j'ai trouvée d'explorer ma générosité. Dommage que ça ne me donne pas de reçu pour les impôts.
C'est une question de survie: l'espace qui semble si vaste, au début, se remplit à une vitesse folle. Mais je voulais vous parler des dictionnaires.
Dans un prisme rectangulaire de 23,5 cm X 15,5 cm X 7,25 cm, on arrive à ranger des milliers de mots. Des dizaines de milliers, même. C'est pas beau, ça? Quelle efficacité de rangement. En plus, des fois, on réussit à intégrer à ce volume des illustrations (mon Petit Larousse illustré en contient 4600), des cartes (292) et des planches visuelles (100). Mieux encore, ce qui pourrait être un fouillis total s'avère toujours facile à consulter. Tout est bien rangé. L'ordre alphabétique, quelle merveille.
Une telle capacité de rangement permet toutes sortes de folies. Ce n'est pas parce qu'un mot nous donne l'air d'un personnage de marin dans un film porno tellement nos bijoux de famille sont projetés vers l'avant sous une mince couche de tissu extensible qu'on doit se gêner. On peut garder ce mot, même s'il risque de ne pas trop servir. Il prend si peu de place, au fond.
Ainsi, on retrouve dans un dictionnaire plusieurs mots courants, mais aussi des mots qui, vraiment, ne serviront peut-être qu'une seule fois dans une vie. Si on parle beaucoup. Par exemple, j'ouvre mon Larousse au hasard et je tombe sur le mot «babouvisme». Je suis attiré tout de suite par ce mot, situé juste en-dessous d'une illustration de babouin. Je lis la définition: «Doctrine de Babeuf et de ses disciples, visant à instaurer une sorte de communisme égalitaire.» Intéressant. Je serais même tenté de voter pour ça, moi, des fois. Pourtant, je ne crois pas que j'aurais eu la chance au cours de ma vie d'utiliser ce mot. Avouez que c'est assez spécifique. Pas grave! Y'a de la place dans le dictionnaire! On garde!
Tiens, allons voir les «P»... Je trouve «pétéchie», qui a pour voisin immédiat «pet-de-nonne», afin d'attirer un peu d'attention sur lui. Une pétéchie (du mot italien petecchia, peste), c'est une «Petite tache rouge sur la peau, caractéristique du purpura». Le «purpura»?! Quoi? Pas une autre maladie qu'on risque d'attraper? Je (par)cours à toutes jambes vers «purpura», pour y trouver la définition. Soulagement. Je ne risque pas de mourir du purpura. Rien de grave. C'est un «bleu» et pas beaucoup plus. Ouf. Grâce à «pétéchie», j'apprends donc que le purpura est sans danger. Ce mot est un deux pour un, quoi!
Suis-je un inculte total, ou ai-je raison de ne pas connaître ce qu'est une «thyiade», autre mot trouvé en ouvrant une page à l'aveuglette? La définition déçoit: «Ménade». C'est minimaliste, ça dit tout, non? Je n'irai même pas voir «ménade», de peur de revivre une autre déception. Cela dit, je suis ravi que ces mots trouvent leur place dans mon bloc de 2640,8125 cm cubiques. On ne sait jamais, ces mots pourront toujours servir! Je crois entendre ma mère qui garde des morceaux de styromousse provenant de certains emballages, au cas où elle trouverait un jour une façon de s'en resservir. À Noël, peut-être?
Faisant fi de tout problème d'espace, certains mots figurent au dictionnaire, mais semblent inventés pour le bienfait d'une communauté extrêmement réduite. Le mot «cers», ce fameux vent violent d'ouest ou de sud-ouest, qui souffle sur le bas du Langedoc, décidémment, je pense qu'on peut dire qu'il est réservé aux happy few. Parfois, c'est comme si des mots n'allaient être employés que par une seule personne, une seule fois. «Riemannien», c'est un mot totalement égocentrique. Il fait référence au gars qui un jour a pensé à ce principe (je vous le donne en mille): un dénommé Riemann. En plus, une fois utilisé, il est comme brûlé. Répétez-le trop souvent et on vous dira: «Ah, la ferme, avec ta géométrie riemannienne!»
J'ouvre à une autre page, un peu plus loin, et je trouve «e-mail», tout près de «émasculer». Un nouveau mot qui tente de faire sa place. Pas de problème, le dictionnaire est prêt à accueillir des nouveaux mots! Car oui, oui, on se débarrasse aussi de mots complètement oubliés, mais: who cares? On ne va pas s'embardoufler pour autant. (Bon, je fais mauvais usage de ce mot, qui veut dire pour nos amis suisses: «Couvrir de peinture, de crème, de boue, etc.», mais je n'ai pas pu résister.) Y'a de la place dans le dico, mais faut pas charrier. «Coticé», ça vous est utile, j'imagine? C'est trop long, dire: «chargé de bandes étroites traversant diagonalement l'écu»?
Même avec un système de rangement super efficace, on doit donc parfois mettre des mots dans des sacs de poubelle et domper ça devant la grande porte de garage de l'Armée du Salut.
Ça va faire des pauvres vraiment lettrés, ça, un jour. Avec des pantalons Diesel qui leur font un méchant paquet.
Ménade: Bacchante adonnées aux transes sacrées.
RépondreSupprimerC'est clair non?
Merci de m'avoir économisé cet effort!
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