lundi 15 mars 2010

Décoration intérieure

Si c'est vraiment l'intérieur qui compte, pourquoi ne pas profiter du printemps qui arrive pour y faire un peu de ménage? Attention, ici, je parle d'intérieur comme dans cette phrase qu'on répète tout le temps (pour se convaincre qu'elle est vraie, j'imagine): «C'est L'INTÉRIEUR qui compte» et je ne me réfère pas à l'intérieur comme dans «décoration intérieure». Quoique une petite couche de peinture et des nouveaux luminaires au plus profond de notre âme, des fois, ça ferait du bien, non?

Alors, comme dans une émission à Canal Vie, nous verrons donc les techniques pour rafraîchir notre intérieur, qui sont simples, au fond. Il suffit de suivre les étapes, pas à pas.

D'abord, une animatrice. Elle doit être plaisante, souriante, agréable à regarder et obsessive compulsive, si possible. C'est votre animatrice intérieure qui vous permettra de passer d'une étape à l'autre sans perdre trop de temps. Elle sera votre guide. Si vous préférez, vous pouvez aussi opter pour l'homosexuel vaguement efféminé (en duo, c'est hyper efficace) pour un rythme plus punché, au risque d'être égratigné un peu au passage.

Imaginez votre animatrice. Elle fait sa première visite au plus profond de votre âme. «Bonjour, je suis ici à l'intérieur de (insérez votre nom), qui a fait appel à nous afin de résoudre ses problèmes intérieurs.» Là, la caméra montre tout ce qui est laid en vous. Elle insiste sur les détails les plus sordides. L'image est terne, comme dans la première partie d'une infopublicité où la fille aux cheveux gras se bat avec son rouleau de Saran Wrap. On y voit du ressentiment mal agencé. Des frustrations installées trop haut sur les murs. Des souvenirs troublants, poussiéreux, qui traînent un peu partout. Des peines passées de mode, sortant tout droit des années 80. Ce segment est court. On ne doit pas insister (et puis, on y reviendra pour la finale - soyez patients).

Ensuite, le deuxième segment: ce qu'on va vouloir accomplir. Une courte entrevue entre votre animatrice et vous permettra de cerner les objectifs.

Vous: Moi, j'ai toujours été une personne troublée. J'aimerais peut-être voir un peu plus clair dans ma vie.

Votre animatrice intérieure: J'ai justement pensé installer quelques halogènes, ça devrait aider, ça.

Vous: Oui, et pour voir la vie en rose, j'ai essayé toutes sortes d'approches, mais ça n'a jamais marché.

Votre animatrice intérieure: Oui, on pourrait peinturer en rose, mais j'ai plutôt choisi une couleur crème super apaisante, qu'on va puncher avec des accessoires fuchsia, comme des coussins et des beaux rideaux.

L'animatrice a le dernier mot. Vous ne devez jamais la contredire. N'oubliez pas. C'est vous qui êtes dans la marde, pas elle.

Le troisième segment (après la pause), est un moment crucial. On va vous vider complètement. Une équipe vêtue de t-shirts assortis va entrer en vous pour s'attaquer à cette étape. L'usage de l'accéléré est de mise. C'est pas beau à voir, ça fait mal, c'est humiliant. Vous vous retrouverez après ce dur exercice sans aucune émotion. Vous ne ressentirez plus rien. Ça donne lieu à des images troublantes, sur lesquelles il ne faut pas trop insister.

Le quatrième segment (après une autre pause, d'Ikea, par exemple) fera beaucoup de bien. En vous, ça travaille fort. Le menuisier sexy vous fait des nouvelles tablettes pour vos émotions, la designer vous montre de vrais beaux échantillons de tissus pour remplacer vos tissus de mensonges, l'animatrice peinture vos parois sensibles sans même tacher ses vêtements. Parfois, il y a des moments plus difficiles, comme un sofa qui ne passe pas par la porte que vous gardez trop étroite, mais, qu'à cela ne tienne, on le passera par une fenêtre! Il n'y a que des solutions. La musique ponctuera les moments les plus cocasses, comme par exemple: un coup de pinceau coquin sur le nez du menuiser sexy qui fait une face de faire semblant qu'il n'est pas content, mais il est très content, au fond. Il est tellement sexy avec un peu de peinture au bout du nez.

Il y a toujours une autre pause ici. Ensuite, on passe au cinquième segment. Ce segment est d'abord très rapide. C'est le travail de finition. On fluffe des coussins qui vous rassurent. On allume des flammes pour égayer les zones éteintes. L'animatrice se croise les bras de satisfaction en regardant la caméra. Le clin d'oeil est permis. Vous, tout ce temps-là, vous n'êtes pas présent. Vous êtes ailleurs. C'est mieux comme ça. C'est votre intérieur à vous, mais vous connaissez-vous vraiment? En plus, on ne vous veut pas dans le chemin quand on cache au sous-sol de votre inconscient les quelques éléments inquiétants dont il a été impossible de se débarrasser (par exemple: votre père qui s'habillait en femme pour battre votre mère, c'était vraiment trop gros, trop difficile à jeter). Sans vous dans les pattes: ni vu, ni connu.

Le sixième segment arrive, après une pause courte mais nécessaire. Vous allez enfin vous retrouver. Vous ouvrez les yeux. Merveille. Vous voyez enfin la vie avec les yeux du coeur. Tout est bien placé, agencé finement, avec des beaux tapis de chez Ikea. En vous, c'est l'harmonie. De pâles flash-backs de qui vous étiez avant se fondent avec cette nouvelle image de vous. Vous versez une larme, si possible. L'animatrice vous prend dans ses bras. Le menuisier sexy est à côté de vous, fier de lui, fier de vous. Il a nettoyé la peinture de sur le bout de son nez. Une fois l'émission terminée, l'équipe vous laisse à vous-même, au centre de vous-même. Générique.

À vous, maintenant, de ne pas tout aller gâcher avec vos vieilles cochonneries.

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