Je suis dans la voiture, en route vers New York. Wow. C’est cool, hein? . (Si vous me passez cet anglicisme - je n’en serais pas à mon premier.) Je devrais peut-être d’ailleurs m’adresser à vous en anglais. J’ai traversé la frontière, non?
C’est étrange, les frontières. Ça remue toutes sortes d’émotions. On n’a rien à cacher, et pourtant, on freake. On ne veut pas se faire poser des questions auxquelles on ne serait pas préparés. Des questions simples, même, parfois. «Where do you live?» peut sembler une question piège. On hésite. On cafouille. On passe pour un fou furieux avec une b-o-m-b-e (il ne faut jamais, au grand jamais, prononcer ce mot près d’une frontière). On soupçonne notre coffre arrière d’être rempli de bébés haïtiens cachés dans des boîtes en carton avec des trous sur les côtés pour laisser passer l’air. On se dit que ces bébés-là sont probablement eux-mêmes remplis de drogue, ou même d’une série de b-o-m-b-e-s.
Évidemment, je n’avais absolument rien à passer illégalement aux douanes. (Un sandwich au jambon, ça compte-tu?) Malgré tout, j’ai eu mon petit moment de crainte. Un voyage qui commence avec une main gantée dans le derrière, c’est vrai que ça commence mal, en effet. En tous cas, pour la majorité de la population. Je dois dire que le custom agent d’aujourd’hui, avec son sourire naïf, sa petite moustache et ses yeux bleus clairs, avait pas mal plus l’air d’avoir le goût de piquer une jasette que d’autre chose. Un peu plus et on allait prendre une Coors Lite ensemble.
Ce qui m’a frappé le plus, par contre, c’est surtout combien arbitraire c’est, une frontière. Le soleil a continué de briller pareil. Le paysage autour n’a pas changé. Le temps ne s’est pas arrêté, ou n’a pas reculé, mais s’est poursuivi, égouttant tranquillement ses secondes. Business as usual. Alors, cette frontière, elle me faisait traverser quoi, au juste?
C’est un des rares contenants que j’arrive à trouver inutile, un pays. Parce que c’est ça, en fait, un pays : un contenant pour y ranger une population X. Sauf que des fois, je trouve qu’on est vraiment mal classés. Suis-je si différent de quelqu’un qui habite juste de l’autre côté de la frontière? Je pense avoir plus en commun avec un gars de l’état de New York qu’avec un gars qui habite au fin fond de la toundra canadienne. J’ose me le souhaiter.
Je regarde certains de mes voisins et je ne me reconnais pas en eux. Du monde qui vote ADQ, qui trippe sur leurs rideaux en dentelles en parlant de leurs bébés morveux, qui ne savent même pas épeler le mot «condescendance» et qui sont incapables de saisir le second degré d’une conversation (vous la pognez, j’espère?), c’est des étrangers, pour moi. Des extraterrestres. Pourtant, des fois, à l’autre bout du monde, je rencontre des gens avec qui ça clique tout de suite. Comme s’il n’y avait aucune frontière entre nous.
Comme quoi notre planète, c’est comme un tiroir à ustensiles de cuisine : on a beau créer des divisions, mais il y a toujours une spatule trop longue qu’il faut mettre à part des autres, des pinces à spaghetti qui chevauchent deux sections et des râpes à gingembre qu’on range au fond, pour ne pas se râper les doigts dessus, malgré qu’elles fassent partie de la même collection que la cuillère à crème glacée et le presse-ail.
Un vrai bordel.
joli titre
RépondreSupprimerMerci, lectrice assidue!
RépondreSupprimeril va sans dire même si je suis en train de le dire que ce titre est d'autant plus joli qu'il s'adapte si parfaitement à celui de ton blog (blogue as you would say ...)
RépondreSupprimerJe constate que votre lecture est non seulement assidue, mais aussi approfondie et réfléchie. C'est d'autant plus apprécié!
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