Weiwei, c'était Weiwei Zhang, un ouvrier chinois. Ce fut le premier à avoir donné un coup de pelle mécanique sur la maison de Pan Yu, cette femme morte sous les décombres de son Hutong en plein coeur de Shanghai, soeur de Jie (qui signifie «propreté») qui se fit appeler Jina (qui signifie «victoire») après avoir émigré vers les États-Unis, à New York et dont l'arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière petit fils était Akio, un homme vivant au 24e siècle sur une station spatiale en orbite autour d'une planète Terre ne comportant plus aucun habitant permanent, du moins officiellement.
Weiwei (qui signifie «puissance») aurait rêvé d'une vie meilleure en Amérique, lui aussi. Malheureusement, ce n'est pas ce qui lui arriva. Il faut dire que, pour un Chinois ordinaire et sans argent, quitter la Chine n'était pas une option facile. Weiwei était réaliste. Trop, peut-être. Ses rêves, il les tuait dans l'oeuf en se disant des choses comme «ce sera trop difficile», «je n'y arriverai jamais» ou «à quoi bon?»...
Peut-être était-il trop habitué à détruire et pas assez à construire? Avec sa pelle mécanique, il n'était jamais appelé à bâtir quoi que ce soit, mais plutôt à tout réduire en poussière. Le rêve, ce n'était pas la réalité. Sa grand-mère, une vieille dame originaire de Xian qui l'avait élevé suite au suicide des deux parents de Weiwei (qui se nommait à cette époque Gen, qui signifie «racines») lui avait souvent répété qu'il n'était pas bon de vivre dans un monde de rêve. Il fallait travailler, accepter son destin.
Weiwei ne voulut pas croire sa vieille grand-mère. Il partit pour Shanghai, changea de nom et tenta d'apprendre l'anglais. Mais Shanghai ne s'avéra pas le paradis où il s'était imaginé faire fortune. De plus, comme il était maigre et frêle, son nouveau nom fut la source de beaucoup de moqueries. Pire: il n'arriva jamais à prononcer bien plus que «Hello, how are you? My name is Weiwei.» En moins de trois mois après sa tentative de changer de vie, il devint un simple travailleur chinois, pauvre et désillusionné.
Peut-être par esprit de vengeance, à chaque coup de pelle mécanique, il prenait un certain plaisir à démolir ce qui se trouvait devant lui. Parfois, assis aux commandes de son camion, il fermait les yeux et se laissait aller à un rire démoniaque. Pendant un instant, il se sentait puissant. Il se sentait «Weiwei». À la fin de ses journées, il regardait le fruit de son travail: un vide, une désolation. Il savait que le lendemain, une nouvelle équipe arriverait, afin de créer quelque chose de neuf. Il savait surtout que là n'était pas son rôle et que ça ne le serait jamais.
Quand il tentait de ressentir un peu de fierté face à son rôle secondaire, jamais, jamais, il n'y arrivait.
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