C'est alors que son regard se précisa. Il se mit à regarder la ville autour de lui. Plutôt: il se mit à observer chaque détail, séparément. Tous ces éléments composaient donc cette ville qu'il habitait? Il les encadra mentalement, individuellement, les plaçant hors de leur contexte. Il vit une porte d'entrée à la peinture écaillée, une voiture rouillée, un mur de brique ébréché, des sacs de poubelles éventrés, une paroi couverte de graffitis, une boite électrique trop en évidence sur une façade, des ordures mêlées aux feuilles mortes, un écriteau nous avertissant qu'«ICI, VOUS SEREZ REMORQUEZ DANS 10 MINUTES» de ses belles lettres non pas tracées à la main mais imprimées. Et tant d'autres choses. Il considéra chacun de ces petits tableaux et, franchement, les trouva laids.
«C'est affreux, Montréal, ça n'a pas d'allure!», pensa-t-il.
Il baissa son regard, afin d'éviter ces portraits hideux. Mais au sol, c'était pire. «Je ne peux pas croire qu'en 2010, on n'ait pas encore trouvé de matières plus résistantes, plus dignes de nous», se dit-il, presque en colère. En effet, partout, le sol était lézardé, fendillé. L'asphalte des rues, c'était une vraie honte. Les trottoirs n'affichaient pas meilleure mine. Il marcha d'un pas plus prudent, tentant d'éviter de mettre les pieds sur les nombreuses fissures. N'y avait-il pas des solutions à ce grave problème?
Il en trouva. Les rues se devaient-elles réellement d'être pavées d'asphalte et les trottoirs de ce ciment de mauvaise qualité? Tant de matières existaient pourtant et remplaceraient avantageusement ces matériaux fragiles et quasi préhistoriques! Il se mit à imaginer de belles rues neuves et droites, pavées de granit noir, d'aluminium brossé, de plastique. De beaux trottoirs bien lisses en silicone, en acier inoxydable, en Tupperware... Mais il revint vite à la réalité.
«Pourquoi tant d'horreur dans notre monde!?», hurla-t-il.
Une vieille dame se promenant avec son chien (un Jack Russel) le dévisagea. Elle portait un foulard froissé autour de son maigre cou, tout plissé. Son visage ridé était pareil aux rues: une preuve vivante que le corps humain n'était pas fabriqué des matières idéales.
«Pourquoi?», Robert se demanda-t-il.
Pourquoi?
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