Gilles, c'était Gilles Gendron, le directeur de l'école, où se déroulaient les activités socioculturelles de Mont-Laurier. Vous savez, celui qui avait discuté avec Nancy, la technicienne de scène qui s'était moquée des avances de Claude, qui déménagea plus tard en Californie pour n'avoir qu'une petite aventure avec Stacy dont le mari alcoolique ne s'était jamais rendu compte de quoi que ce soit? Gilles, c'est aussi celui qui avait remis une enveloppe à Nancy. Dans l'enveloppe, d'ailleurs, se trouvait un banal chèque pour payer la représentation de Hop-la!. Personne, à part peut-être Claude, n'avait vraiment remarqué monsieur Gendron ce soir-là. Pierre, un des acrobates, était même passé devant notre directeur d'école sans entendre le «Bravo pour votre specta...» qu'il lui marmonna timidement.
Gilles, pour plusieurs, paraissait froid, mais c'était mal le connaître. Il s'agissait plutôt de tiédeur. Gilles aimait la pêche, la motoneige, les spectacles d'humoristes et les excellents repas que préparait Jocelyne, son épouse, mais n'exprimait pas ces passions autrement que par des phrases trop longues, trop compliquées, insignifiantes. C'était la même chose avec ce qu'il détestait. Quand il expliquait son dédain pour les tomates crues, l'opéra, le thé vert ou les voitures compactes, par exemple, on ne savait jamais vraiment si, au fond, il aimait ou non. Tout en maladroites nuances, il tentait de communiquer en ne soulevant jamais les passions.
Que disait-il, au juste? Était-il pour ou contre? Peu importe. La plupart du temps, les autres ne lui laissaient pas terminer ses phrases ou feignaient d'écouter en pensant à une tactique pour s'enfuir.
Même lui, parfois, n'avait plus envie de s'entendre. Parler ou penser. Alors, il s'imaginait passer de l'avant-plan de son existence à l'arrière-plan. Il devenait un simple figurant dans sa vie. Loin, flou, insipide, il se trouvait à son meilleur. Un rôle secondaire, c'était, pour lui, déjà trop.
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