vendredi 15 octobre 2010

Thérèse (rôles secondaires)

Thérèse? Mais qui était Thérèse?

Thérèse, c'était la voisine de Diane-Isabelle. Vous savez, Diane-Isabelle, la mère du petit Félix, qui fait du karaté et de Luc, l'adolescent souffrant d'un handicap intellectuel? Rappelez-vous: il jouait dans la cuisine, il vidait tiroirs et armoires, il y avait un couteau, puis quelques jeux dangereux... Thérèse, c'était celle qui n'avait pas répondu à la porte quand Diane-Isabelle avait cogné afin de lui demander de garder un oeil sur Luc pendant une petite heure, le temps d'un cours de karaté donné par Gaétane, la collègue de Jean, le célibataire et veuf de son copain Thomas, celui qui aimait les chats et qui avait fait acheter Chopin juste avant de mourir. C'est plus clair, maintenant?

Eh bien, Thérèse, elle, aimait la clarté. Un peu de désordre dans la maison, elle pouvait vivre avec. Mais du désordre dans les idées, elle avait une sainte horreur de ça.

D'ailleurs, quand Diane-Isabelle était venue, ce soir-là, cogner à sa porte, Thérèse y était. Mais elle ne répondit pas. Non. Elle en avait assez de cette voisine, qui faisait pourtant pitié, mais qui n'osait jamais mettre les choses au clair. Thérèse aurait aimé entendre, une bonne fois, quelque chose de précis. Mais non! C'était toujours des «je ne voudrais pas vous déranger, mais...», des «je ne sais pas quand je vais rentrer, mais...» ou des «j'aurai aimé vous avertir d'avance, mais...»: toujours des «mais».

C'était vrai, elle était vieille, seule, retraitée. Mais était-ce une raison pour qu'on présume que sa vie n'avait pas besoin d'être bien planifiée? Était-ce une raison pour ne pas dire clairement: «J'ai besoin de vous»?

Ce qui était triste, c'était qu'elle aimait s'occuper de Luc, au fond. Vraiment, cet enfant, malgré son handicap, était une soie. Il ne bougeait presque pas, ne parlait presque pas. Pas en sa présence, en tous cas. Elle devait avoir des capacités particulières avec les enfants handicapés. Son calme devait être rassurant. Elle ne pouvait pas en dire autant de Diane-Isabelle. Cette dernière, pensait Thérèse, manquait vraiment de concentration. Elle n'avait pas d'objectifs clairs. Elle courait dans tous les sens sans ne jamais savoir où elle allait. Ça faisait peine à voir, vraiment.

Thérèse avait été une bien meilleure mère. Ses enfants, maintenant plus vieux, n'avaient pas tous bien réussi leurs vies, mais chose certaine: elle n'était pas à blâmer pour tous ces échecs. Non, non. Que Lucien, son premier, soit devenu un alcoolique violent, ce n'était certainement pas sa faute à elle, elle qui n'avait jamais bu de sa vie. Sa fille Françoise ne réussissait pas si mal dans sa carrière, malgré ses enfants qui étaient de vrais monstres, mais Thérèse avait pourtant été une mère exceptionnelle. Jean-Marc, son petit dernier, n'avait jamais réussi à trouver sa voie et passait d'un emploi instable à un autre. Thérèse, elle, avait pourtant eu une carrière en secrétariat étonnante pour une femme de sa génération. Elle avait été un modèle parfait pour ses enfants et pour tout son entourage.

Maintenant, dans sa solitude, elle pouvait toujours se conforter en se rappelant à quel point elle était, au fond, une personne extraordinaire.

Vraiment, elle méritait mieux qu'un rôle secondaire.

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