lundi 1 février 2010

Conte traditionnel

Il y a fort, fort, longtemps, un homme vivait seul dans une maisonnette au sommet d'une colline. Jamais il ne descendait au village, pas même pour se procurer quelques nourritures au marché. Autour de sa petite maison, ne poussaient aucun légume, aucun fruit. Il n'élevait aucun animal: ni vache, ni cochon, pas même une seule petite poule. Cet homme ne recevait jamais de visiteurs, ni le jour, ni la nuit. Pourtant, comme sa maison était visible de tous, tous les habitants du village pouvaient le voir manger, par les petites fenêtres de son humble demeure. À tous les matins, on le voyait se régaler d'un repas somptueux composé de fruits exotiques, de brioche et de miel. Le midi, assis à la fenêtre, il s'empiffrait de poulet rôti, de légumes au beurre et de pain frais et odorant. Le soir, tous les villageois l'observaient dévorer potages, plats en sauce, viandes diverses et fromages raffinés. Et que dire des desserts! Les pièces montées frôlaient souvent le plafond de son humble demeure tant elles étaient élaborées.

Tout le monde se demandait: «Mais, d'où vient toute cette nourriture?», puis ils retournaient à leurs simples repas, qui se résumaient souvent à de petites soupes claires et maigres. Plusieurs disaient que cet homme devait être magicien ou même le diable en personne! On le craignait au point de ne jamais vouloir gravir la colline et on se contentait de l'observer de loin.

Un jour, arriva au village une jeune femme mince et très jolie, portant une malle à roulettes. La jeune femme disait s'appeler Monique et passait de maison en maison en criant de sa voix enjouée: «Tupperware à vendre! Tupperware à vendre!». Personne ne voulut lui ouvrir, ne sachant pas ce que cela pouvait bien vouloir dire. Sur son passage, on tirait les rideaux, on fermait les portes et on claquait les volets. Monique, après avoir fait le tour du village, semblait bien découragée. C'est alors qu'elle leva les yeux et aperçut la petite maison au sommet de la colline. Il commençait à faire nuit, mais elle repris courage et se mit à gravir la pente escarpée afin de rejoindre la mystérieuse chaumière.

Arrivée en haut, elle frappa à la porte: toc, toc, toc. «Tupperware à vendre! Tupperware à vendre!», cria-t-elle. Surpris, l'homme regarda par le trou de la serrure puis vit la jeune femme. Il la trouva très jolie.

-Qui êtes-vous?

-On m'appelle Monique et je viens vendre des Tupperware.

-Des quoi?

-Des Tupperware. Vous verrez, ça va changer votre vie!

Charmé par la bonne humeur de cette vendeuse ambulante, l'homme ouvrit la porte.

«Bonsoir», lui dit-elle. «Bonsoir!», répondit-elle en pénétrant dans l'unique pièce de la demeure. Elle remarqua tout de suite combien la maison paraissait vide. À part la table, une chaise, une paillasse et un vieux baril, rien ne meublait la maisonnette.

-Je veux vous montrer quelque chose qui va mettre de la couleur dans votre intérieur!

Sans même attendre un signal, elle ouvrit sa malle. L'homme n'en croyait pas ses yeux. La malle était remplie de contenants, légers comme la paille, mais solides comme le bois. Leurs couleurs étaient chatoyantes et certains semblaient même taillés dans le plus fin des albâtres. Monique se mit alors à expliquer toutes les vertus de sa mystérieuse marchandise.

-Finis, les restes gaspillés! Grâce à Tupperware, vos aliments resteront frais et croquants. Voyez comme ces couvercles sont étanches. La fraîcheur est scellée!

Avec ses deux pouces, elle appuya sur le centre d'un couvercle qu'elle venait de placer sur un joli bol rose comme l'aurore. Un petit bruit se fit entendre: «pfuit!». L'homme riait, riait. Monique dut bien continuer de vanter ses produits miracles pendant plusieurs heures. Lorsque sonna minuit, l'homme demeurait fasciné devant cette démonstration. «Combien?», dit-il enfin.

-Pour vous, mon cher homme, je ne vous demanderai que ce que vous pouvez me donner.

L'homme regarda autour de lui. Il se dirigea vers son vieux baril et dit: «J'ai bien peur que ce vieux baril soit ma seule possession dont je puisse me départir...».

-Je le prends!

Monique mit le baril sur sa malle à roulettes et laissa l'homme seul devant son nouveau trésor. Il en avait les larmes aux yeux.

Le lendemain matin, lorsque les habitants du village se levèrent, ils allèrent tous, comme à leur habitude, regarder le copieux repas de l'homme de la colline. Cependant, ils ne virent que l'homme assis à la fenêtre, mais sans nourriture. Lorsque le soleil parut au zénith, ils jetèrent à nouveau un coup d'oeil à la maisonnette, mais l'homme ne mangeait toujours pas. À la tombée du soir, l'homme n'avait pas bougé et devant lui, sa table restait toujours aussi vide. Au bout de quelques jours, les villageois ne purent que constater que l'homme avait poussé son dernier soupir. On le trouva blotti dans un amoncellement de contenants multicolores. Le Tupperware avait eu raison de lui.

On dit de Monique qu'elle habite une petite maison dans un village éloigné et qu'elle ne sort jamais, ni même pour aller au marché. À tous les jours, on peut la voir, la tête au fond d'un vieux baril, et jamais on ne l'a vu aussi grasse et rassasiée.

FIN.

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