Avec un peu de logique, j'en étais arrivé à bien classer les contenants, selon leurs grosseurs. Avec les contenants de margarine, je pouvais bien tapisser le fond. Ces contenants, je les réservais aux pénis plus petits, parfois coupés sur des sujets, disons, plus jeunes. J'ajouterai que même celui de mon ami Bill, pourtant de taille inférieure à la moyenne selon ce que j'avais vu de lui lors de nos nombreuses excursions en camping au Nopiming Provincial Park, a nécessité un contenant de cream cheese, légèrement plus volumineux.
La grosse majorité de mes trouvailles se retrouvait effectivement dans des contenants un peu plus gros, comme ceux de crème sure, de fromage cottage ou de fromage feta. Il y avait une perte d'espace assez considérable avec ces contenants, à cause de leurs fonds souvent encavés et de leurs couvercles trop variés, dont les rebords étaient parfois recourbés vers le haut, formant un genre de lèvre pour assurer un sceau adéquat. Pour empiler, l'enfer. C'était dommage, mais what are you gonna do?
Les quelques contenants de un litre (de crème glacée, surtout) formaient la barrière du fond. Plus hauts, j'arrivais tout de même à en empiler cinq, en ne gaspillant que 0,88 cm sur la hauteur totale interne de 90,88 cm, ce qui était négligeable. Malheureusement, c'était les plats les plus difficiles à remplir. Je ne voulais surtout pas qu'il reste trop d'air dans le pot, alors je réservais ce format aux membres volumineux. Imaginez ma surprise lorsque j'ai dû y recourir pour l'impressionnant boudin de Steven. Celui-là ne retenait pas de son père, ça c'est sûr. Il aurait fait une tapette populaire, j'imagine...
Il me restait donc 397 spécimens à chasser. Ce n'était là, je le rappelle, qu'une approximation. J'avais commencé cette collection 14 années plus tôt. Calculé rapidement, cela donnait un rendement de 12,21 par année. 12,214285 pour être plus précis. Par contre, l'année courante n'était pas terminée. De plus, je n'avais pas débuté un premier janvier. J'ai voulu calculer plus précisément et c'est là que je me suis dit que j'aurais donc dû finir mon high school. De toutes façons, j'atteignais un rythme de plus en plus rapide et je savais ma méthode de calcul très limitée, presque enfantine, au fond. Je savais parfaitement que j'atteindrais mon but bien avant la fin juin 2042, tel que me le dictait mon naïf pronostic.
En effet, ça semblait devenir de plus en plus facile. Dans les journaux, on commençait à parler de plus en plus des incidents, mais personne ne semblait être sur ses gardes, malgré tout. J'ai bien pensé qu'un jour quelque indice guiderait la police vers ma modeste maison de la rue Hebert, mais non. C'est étrange. Je ne peux pas dire qu'au moment de récolter mes morceaux j'avais en tête toutes sortes de détails pour ne pas trop laisser de traces, pourtant. Mon esprit, dans ces instants-là, est right in the moment. C'est la police de Winnipeg qui devait pas être vite, vite, j'imagine. Encore moins le district 5, probablement. J'étais safe, faut croire.
J'ai voulu célébrer, me prendre une petite bière, mais il en restait plus. De l'argent dans mes poches, non plus. «Encore trois jours avant ma paye», j'ai pensé. J'ai ouvert le freezer. Pas celui du garage, celui en haut du frigidaire, dans la cuisine. Je voulais voir si peut-être un fond de vodka allait s'y cacher. Il restait bien une bouteille, toute figée dans le contenant à glace. Vide. Bummer. Ensuite, j'ai posé les yeux sur un contenant de crème glacée Lucerne à la vanille old fashionned. J'allais devoir me contenter d'un peu de sucré. J'ai ouvert le pot. Des cristaux s'étaient formés sur le minime fond de crème glacée, qui avait jauni et qui s'était transformée en matière légèrement visqueuse. Je l'ai mangé quand même, mais franchement, je dois le dire: j'étais déçu.
Le pot était en carton en plus, alors j'ai dû le jeter aux poubelles. Je ne sais pas pourquoi j'ai acheté cette marque-là pour commencer. Vraiment, des fois, what am I thinking?
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