dimanche 14 février 2010

Conte absurde

Ça faisait déjà une douzaine de fois que je recommençais et jamais le résultat n'était probant. Alors, avec un long couteau plat, je grattais le gâteau pour en enlever tout le glaçage, que je jetais à la poubelle (à cause des miettes - je déteste quand les miettes du gâteau se retrouvent mélangées au glaçage) et je préparais une nouvelle quantité de glaçage. J'expérimentais. Parfois, j'ajoutais plus de sucre en poudre, parfois, je recherchais une texture plus molle en ajoutant un peu de jus de citron, parfois, je battais plus énergiquement afin de créer un effet moussant. Chaque technique avait du bon. Mais jamais ce n'était idéal. C'était peut-être une question d'étalage? J'ai mis à l'épreuve divers ustensiles: des spatules, des couteaux longs, des couteaux courts, des cuillères de bois, des sacs à douilles... Encore une fois, chaque nouvel outil proposait ses bons côtés et ses faces sombres. J'ai ensuite tenté des techniques plus risquées. Avec un rouleau à peinture, j'ai étendu une multitude de couches très minces de glaçage très liquide (l'effet n'était que peu convaincant). Perché en haut d'un escabeau, j'ai lancé le glaçage d'un coup, en le faisant tomber d'un gros gloup du bol de Tupperware (succès très moyen). J'ai essayé de tremper tout le gâteau dans une cuve immense pleine de glaçage (opération difficile, peu économique et franchement décevante - maudite gravité!). J'ai badigeonné mon chat et lui ai dit : «allez, minet, frotte-toi, frotte-toi» (surprenamment, ça s'est passé plutôt bien, mais les fameuses miettes m'apparaissaient très mélangées). Sur une forme identique à mon gâteau, préparée grâce à une technique de moulage impliquant entre autre matériaux de l'alginate, des bandelettes plâtrées, du silicone et une certaine patience, j'ai étalé grâce à un canon à neige, sous des températures de -5 Celsius, une glaçage, rigidifié par le froid afin d'y insérer le gâteau par la suite et de laisser ramollir ensuite à température pièce (l'effet granuleux était disgracieux). J'ai fait appel aux nouvelles technologies d'impression par sublimation, en remplaçant l'encre par une glace composée de glucose et d'une série d'autres ingrédients liquides (un désastre que je préfère ne pas décrire). J'ai donné le glaçage à manger au bébé de la voisine, le faisant régurgiter le tout au-dessus du gâteau (mais ce bébé, un vrai lâche, m'a laissé tomber avant d'attaquer les côtés). J'ai transféré, atome par atome, le glaçage du bol vers le gâteau, dans un environnement parfaitement stérile et isolé, employant des systèmes de pointe (le plutonium donnait une couleur verdâtre au glaçage et m'éloignait de l'effet recherché). J'étais découragé. J'ai regardé le gâteau, nu (c'est le gâteau qui était nu - en fait, moi aussi je l'étais, mais ce détail n'est pas réellement pertinent) et j'ai tenté une expérience ultime: me convaincre qu'il était glacé, mais sans réel glaçage. Au bout de plusieurs heures où je n'ai pas quitté des yeux le gâteau, je me suis mis à pleurer. Au travers d'une de mes larmes particulièrement visqueuse, le gâteau m'a bel et bien semblé parfaitement recouvert de glaçage. J'ai profité de ce court moment. Je me suis coupé un morceau. J'ai chanté «Bonne fête, Robert - Bonne fête, Robert». C'était beau! C'était beau!

Vraiment, vous auriez dû voir combien c'était beau.

1 commentaire:

  1. Il y a une technique toute simple que tu as omises... Il faut l'acheter déjà tout glacé! Trop simple?

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