samedi 27 février 2010

Conte canadien, 9e partie

Pendant plusieurs heures, je suis resté étalé sur le sol froid de mon garage. Je sentais mon corps, le couteau planté dans mon ventre, mais il m'était impossible de bouger. J'étais dans un état que je n'avais jamais vraiment connu auparavant, entre le sommeil et l'éveil. J'avais toutes sortes de pensées, parfois liées à la réalité et parfois comme des rêves étranges, tout ça entrecoupé de moments de noir total.

Par exemple, à un moment, j'ai entendu la porte de garage s'ouvrir. J'ai même pu réfléchir à ma déception de voir mon plan échouer. Ça avait semblé trop facile, tout ça: forcer le marionnettiste à user de son talent de manipulation pour qu'il m'aide à me débarrasser du corps de Brandon et me procurer le premier pénis québécois de ma collection.

J'ai aussi fait un rêve plutôt bizarre. Je me retrouvais dans une forêt immense et brumeuse. Les arbres autour de moi dansaient, en cadence, se dressant périodiquement vers le ciel au même instant. Chacun des arbres était enligné avec le suivant, formant une grille régulière. Au sol, de la neige, partout, blanche et immaculée. Moi, je me promenais dans cet univers magique. J'entendais mes pas dans la neige, mais ceux-ci ne laissaient aucune trace. Chacun des arbres était différent, mais l'ensemble paraissait harmonieux. Je me suis approché d'un érable argenté immense et majestueux. J'ai touché à l'écorce. Je l'ai caressée. C'était chaud, doux... Avec ma langue, je me suis mis à lécher l'écorce. Ça avait un goût légèrement sucré, très agréable. J'ai léché, léché... Je suis devenu comme ensorcelé. Je n'étais plus capable de me contrôler. Je serrais le tronc dans mes bras, je le caressais et j'aurais voulu manger l'arbre si j'avais pu. Je gémissais. L'érable aussi s'est mis à gémir. Sa voix grave venait de partout à la fois, de sa cime, de ses branches, de son tronc, de ses racines. La neige s'est mise à fondre autour de la base de l'arbre. Tout à coup, comme il arrive souvent dans les rêves, je me suis retrouvé nu. Sous mes pieds, le sol était moussu, à la fois tendre et ferme, légèrement humide. Nos gémissements sont devenus plus rapides, plus intenses. La résonance faisait littéralement trembler le sol. Autour de nous, tous les autres arbres étaient dressés vers le ciel, tendus. Enfin, une sève s'est mise à couler le long du tronc de l'érable. J'en avais partout: dans le visage, sur le corps, sur ma langue, dans ma bouche. C'était une sève épaisse et sucrée que j'avalais avec plaisir.

Ensuite, il y a eu du noir. Probablement quelques heures de noir total, mais très apaisant.

C'est étrange, les rêves, vraiment. Je ne sais pas où notre cerveau va chercher des histoires pareilles, qui ne veulent absolument rien dire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire