Mais il fallait faire vite. Son mari risquait de revenir du travail d'ici quelques heures et elle n'avait pas du tout l'intention d'avoir à expliquer ce qui venait de se passer. Appeler la police était hors de question. Elle ne se voyait pas raconter que quelqu'un s'était introduit chez elle pour n'avoir dérobé qu'une simple enveloppe cachée derrière le vieil extracteur à jus. Les questions auraient incontestablement suivi: «Êtes-vous sûre que rien d'autre ne manque dans la maison?», «Qu'y avait-il dans cette enveloppe, madame?», «Que pouvait-on voir sur ces photos?».
Bien entendu, elle aurait pu mentir. Inventer une histoire de toutes pièces et déclarer des bijoux et des appareils électroniques disparus. Mais Marie n'était pas douée pour le mensonge, et elle le savait. Un seul secret, dans sa vie, ça lui suffisait.
Sans verser la moindre larme, elle se mit à genoux et commença à faire le tri de tous ces objets. À mesure qu'elle accumulait des piles sur le bord du comptoir, elle se rendait compte à quel point tous ces objets, au fond, lui étaient inutiles. La cuisine, ce n'était pas pour elle. À peine savait-elle faire réchauffer les restes que son mari lui préparait et même cette tâche, elle la haïssait. Il lui était arrivé de faire fondre littéralement un contenant Tupperware, en programmant le four à micro-ondes à température maximum pour une période de 90 minutes, pensant qu'il ne s'agissait que de 90 secondes.
Fouiller dans ce tas d'articles de cuisine lui ramenait ainsi en plein visage toute son incapacité à gérer cette partie de sa vie pourtant essentielle: la nourriture.
Heureusement, pour le rangement, elle savait connaître de surprenants moments d'une efficacité remarquable. Quand ça lui prenait, se révélait en elle la ménagère modèle qu'avait été sa propre mère. Elle ferma les yeux et prit une grande respiration. En moins d'une quarantaine de minutes, toutes les piles étaient prêtes à retrouver le chemin des armoires, dont les portes étaient restées ouvertes. Par chance, presque rien n'avait été cassé, sinon quelques verres dépareillés qu'elle jeta sans le moindre regret aux ordures. Vingt minutes plus tard, la cuisine avait repris son apparence d'origine. Tout avait retrouvé sa place, selon le même schéma peu pratique qui faisait souvent soupirer tant de gens, mais pas elle, jamais.
Elle sauta dans sa voiture pour se rendre dans une boutique chic afin d'acheter une gamme de verres de grande qualité. À son retour, son mari l'attendait déjà, en coupant des carottes. «T'as fait du magasinage?», lui dit-elle en guise de mot d'accueil. «Oui, j'étais tannée de nos vieux verres dépareillés, alors, j'ai tout foutu à la poubelle!», répondit-elle en déposant les sacs sur le comptoir.
Ce soir-là, au menu, il y eut: des pétoncles poêlés, une purée de carottes, une salade mixte, un excellent vin blanc, un Château de Rochemorin Pessac-Léognan 2005, servi dans des verres de cristal étincelants et certains silences étranges, qu'on aurait facilement pu confondre avec ces moments si doux que seul savent partager les couples qui croient s'être déjà tout dit.
je viens justement de boire un Pessac Léognan au déjeuner ! il était fameux, comme à chaque fois
RépondreSupprimerdit-elle