jeudi 2 septembre 2010

À la fortune du pot

C'est donc compliqué recevoir à la bonne franquette. Vous trouvez pas? La table mise à la dernière minute, les plats sans cérémonie, la vaisselle dépareillée, l'atmosphère détendue... Tout ça me stresse énormément.

Je recevais à souper, hier soir. «À la fortune du pot», comme on dit. Rien n'était préparé d'avance. Du moins, rien ne semblait préparé. En effet, pour réussir un repas «improvisé», il faut beaucoup de préparation. Les épices et fines herbes «ajoutées à la dernière minute» doivent être sélectionnées et placée à l'avant du tiroir. Le réfrigérateur doit afficher une mine de «Voyons voir ce qu'il y a là-dedans», ce qui signifie des emplettes furieusement planifiées, faites d'avance, pour arriver à la fameuse phrase: «Tiens et si je faisais une omelette aux pommes de terre?». Chaque détail devra sembler soigneusement improvisé.

Dépareiller de la vaisselle, chez moi, est un réel tour de force. Je dois puiser dans le fin fond des armoires de cuisine pour arriver à ce look détendu qui mettra tout le monde à l'aise. Sans une préparation subtile et raffinée, c'est impossible d'y arriver. L'apparence de fouillis, c'est ce qui représente le plus gros défi en design.

Les tâches qui seront distribuées auprès des invités, elles aussi, méritent qu'on s'y attarde. Autrement, c'est l'anarchie. «Tu me couperais ces carottes en rondelles de neuf millimètres?» est une phrase qui, lors d'un repas à la bonne franquette, peut causer un froid. Il faut donc user de ruse. Couper au préalable une partie des carottes de la bonne épaisseur, réserver, et lancer un spontané: «Tu finirais de couper les carottes?», en souhaitant que la personne choisie saura suivre le bon exemple et poursuivre avec la bonne épaisseur, ce qui est loin d'être garanti.

Ce genre de repas nécessite aussi beaucoup de concentration. Il faudra animer une conversation, s'assurer que tout le monde a de quoi à boire et afficher un air débonnaire PENDANT des activités qui normalement demande toute notre attention: essuyer des couteaux, faire une vinaigrette, s'assurer que les pelures de pomme de terre arrivent bien à bon port dans la poubelle, sans toucher aux rebords ni au couvercle.

Lorsque le repas est enfin servi, il faudra faire abstraction des gouttes de soupe sur le pourtour du bol. Il faudra fermer les yeux devant la présentation approximative (des brindilles de persil variant tant en grosseur qu'en position d'assiette en assiette, par exemple). Il faudra apprécier la «touche personnelle» de ce nouvel invité, qui n'a vraiment aucun sens de l'harmonie des saveurs. Il n'est pas prêt à être réinvité, celui-là. Tout cela se passera avec le sourire, au son d'une musique choisie à l'aveuglette, en regardant la vaisselle sale s'accumuler sur le comptoir alors qu'il est si simple de la diriger vers le lave-vaisselle au fur et à mesure. Une soirée épuisante, je vous le dis.

Ceux qui arrivent à recevoir de cette manière, vraiment, ont toute mon admiration. Je leur lève mon verre, sans négliger de le reposer sur la table dans sa position originale, bien enligné avec le verre à eau.

4 commentaires:

  1. voyons Robert, comment peux-tu croire une seconde que tes invités auraient rangé la vaisselle à ta convenance ds le lave-vaisselle ?

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  2. C'est vrai, ça. Je n'y avais pas songé. La seule solution: ne plus jamais recevoir d'invités.

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  3. ou aller souper chez les autres ;)

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  4. Excellente idée! Je coupe les carottes volontier.

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