jeudi 23 septembre 2010

Gratter la surface

J'aime traiter de divers sujets en surface. Il y a quelque chose de sain là-dedans. Creuser, creuser, c'est bien beau, mais ne finit-on pas parfois par être rendu tellement creux qu'on ne voit plus rien? Plus rien que du noir. En surface, on voit bien ce qui est devant nous. Peut-être qu'on n'en voit que la surface, mais, au moins, on voit.

Vous voyez, je pourrais ici aller plus profondément pour creuser cette affirmation, mais je sens que si c'est ce que je fais, je risque de m'emmêler, de me contredire, d'avoir une vision de plus en plus sombre de mon sujet. Tiens, faisons-en l'essai.

La surface, c'est ce qu'il y a sur le dessus d'une chose. C'est la partie visible, normalement. À moins d'être, je ne sais pas, moi, une créature marine et d'avoir la surface au-dessus de ma tête. Vous voyez? Je commencer déjà à m'enliser.

Si la surface d'une chose se retrouve bien en vue, c'est peut-être qu'il y a une raison pour ça. Peut-être que ce qui est dessous la surface, c'est laid, indigne ou simplement vraiment banal. Imaginez un chercheur qui se penche sur un sujet très pointu. Les fossiles de ptérodactyles, par exemple. Cette personne pourra peut-être passer sa vie entière à fouiller, à se poser des questions, à interpréter des petits bouts de roches ou d'ossements et qu'elle viendra à la conclusion, au bout d'une vie (gâchée) consacrée à ce sujet, que les ptérodactyles étaient des genres de dinosaures volants qui sont maintenant disparus. Bref, ce que tout le monde savait déjà. Imaginez sa déception. L'absurde de sa quête. Au mieux, cette personne, en grattant, découvrira peut-être certains détails inusités. Que les ptérodactyles étaient probablement végétariens, par exemple, je ne sais pas, moi... Mais elle n'aura personne avec qui vraiment partager ce savoir. Les gens diront: «Eh ben» en hochant de la tête en pensant à une tactique pour terminer cette conversation au plus vite pour aller prendre une bière dans un 5 à 7.

«Oui, mais, Robert, on ne peut pas se ficher de tout comme ça!», penserez-vous. Sans une couche de la population (qui, j'en suis certain, aime croire qu'elle est la couche du dessus, celle en surface) qui ose fouiller certains sujets, où serions-nous? Ce n'est pas faux. Je suis peut-être moi-même un peu un exemple de ce phénomène, avec mes incessantes pensées sur le Tupperware? Et je mène vraiment notre société plus loin, avec tout ça? Rien n'est moins sûr. Je vous avais prévenu: je commence à me contredire, à ne plus être vraiment clair.

Peut-être aussi que la surface, au fond, ce n'est pas plus clair que le fond. Le fond, au fond, c'est sombre ou pas? Si la surface est au fond, où est le fond? En surface? Aurais-je vécu toute ma vie à l'envers, confondant le haut avec le bas, la croûte avec le noyau?

J'aime bien manger du Jell-o. Le grand plaisir, pour moi, c'est vraiment la première bouchée, celle qui brise la surface bien lisse. Plus on mange, plus on se rend compte d'un phénomène fascinant: on a beau creuser, mais ce qu'on découvre se retrouve automatiquement en surface. On mange, on mange, et on ne peut que constater que la surface, au fond, se rend vraiment creux. La seule fin possible, c'est de mettre à nu une chose qui nous rappelle soudainement que nos vies sont bien peu de choses et qu'elles tireront un jour à leurs fins: le fond. Le fond du bol.

C'est moi, ou il commence à faire noir, ici?

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