jeudi 19 août 2010

Pot de vin

Ouf.

Disons qu'aujourd'hui, je ne me suis pas contenu. Ah, pas longtemps, le temps d'engueuler une préposée au guichet dans le métro, de la traiter d'imbécile et de lui lancer mon argent en pleine face (mais il y avait une vitre). Étrangement, je n'ai pas vraiment envie de raconter les détails, qui impliquent des faits complètement banals (dont une préposée au guichet du métro qui n'a aucun sens de la courtoisie), mais je tiens à spécifier à tous que je suis normalement une personne de commerce agréable. Je dis «Je vous remercie», «Vous êtes bien aimable», je souris, je laisse des pourboires décents.

Sauf que des fois, je me dis que d'être «Mister Nice Guy», au bout de la ligne, ça ne paie pas. Un simple sourire ou 15% de pourboire sur le montant incluant les taxes, de nos jours, ça ne suffit plus. Non. Il ne faut pas être gentil, ponctuel, honnête. D'ailleurs, si vous revenez d'un rendez-vous galant avec quelqu'un que vous décrivez avec ces qualités, on comprendra tout de suite que vous avez passé une soirée plate à chier à terre avec un ou une «loser» pathétique. Ce qu'il faut, c'est être calculateur, rusé, sournois et carrément malhonnête.

C'est un triste constat, je sais, mais non seulement me permet-il de vous passer en douceur mon thème du jour (pour ne pas dire de manière calculatrice, rusée, sournoise et carrément malhonnête), mais c'est la triste vérité. Combien de politiciens verreux obtiennent tout ce qu'ils désirent en graissant la bonne patte, à coup de pots de vin malicieux? Les plus grands financiers, les «world's finest», tous ceux qui réussissent ne possèdent-ils pas cette caractéristique de n'avoir pas froid aux yeux, quitte à passer pour des pas fins?

Moi, j'aime ça, être fin. La gentillesse, j'aime croire que ça mène loin. Je me trompe.

Bon. Je suis tellement gentil que je vais vous la raconter, l'anecdote du métro.

Voilà: je voulais acheter des passages de métro sur ma carte à puce (ma carte Opus - attention: jeux de mots méchant) grâce au guichet automatisé. Après deux tentatives qui avaient semblé débiter de l'argent de mon compte bancaire, mais sans toutefois ajouter les passages sur ma carte de métro, je vais gentiment voir la dame dans son aquarium, qui a l'air de ne penser qu'aux 7200 secondes qu'il lui reste à passer assise là et je lui explique calmement la situation. Je suis naïf. Je donne tous les détails, d'une voix douce et contenue. En fait, je laisse déjà la place à une réplique sèche tant j'ai l'air du pauvre bon gars qui ne veut pas créer de scandale.

J'ai par contre une attente bien enfouie: que cette dame soit courtoise. Qu'elle me dise: «Mais passez, passez, mon bon Monsieur!» ou qu'elle s'excuse du mauvais fonctionnement de leur système en remplaçant aussitôt ma carte par une carte neuve ou une carte de courtoisie. Ce n'est pas ça qui se passe. Elle reste de glace. Je devrai payer le plein prix du passage à la pièce et m'arranger avec mes troubles et ma carte que j'ai selon elle sûrement oublié dans une brassée de lavage et mon compte bancaire probablement vide. À ce moment, j'aurais pu éclater. Mais non. Je la joue «less is more». Je la remercie et je vais voir son collègue, à quelques pas plus loin, qui s'affaire à faire passer un groupe d'enfants aux tourniquets. Je me dis que lui, il comprendra. Dès que j'ouvre la bouche pour lui parler, ma carpe d'aquarium sors de son poste de travail et hurle: «Hey, le grand! Si j'ai dit que tu pouvais pas passer, va pas le demander à quelqu'un d'autre!».

Le grand?

Je tourne les talons et je me dirige furieusement vers la cabine de verre (pare-balles, j'imagine) et hurle à mon tour des mots... Des mots! «Imbécile» fut l'un d'eux. J'ai aussi spécifié que ce n'était pas moi, le concepteur de leur système de merde défectueux et toutes sortes d'autres choses qui sont sorties, vraiment, toutes seules. J'ai culminé en lançant de l'argent à la (pauvre) dame, qui voulait à ce moment m'expliquer son geste, m'indiquer quoi faire pour me faire rembourser, me rassurer, même. Je la coupais, fermé. Elle jouait à la bonne personne, maintenant? «Qu'elle paye», je pensais. C'est pas payant, la bonté.

Le banal, ça tue. Je reparle de cet épisode (somme toute insignifiant) et j'en crispe de frustration.

Je devrais me calmer. Boire un verre de rouge. Tiens: si j'allais prendre un pot?

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