C'est, semble-t-il, la chose la plus humiliante qui puisse nous arriver à notre époque. Il vaut mieux être au premier plan, faire impression, que faire tapisserie, pense-t-on (on dit aussi «faire pot de fleurs» - how convenient!). Encore une fois, tout est une question d'apparences. Il ne suffit pas d'être intelligent, il faut apparaître intelligent. Il ne suffit plus d'avoir une vie sexuelle épanouie, il faut la filmer et la placer sur XTube. Il ne suffit plus de vivre, il faut que tout le monde ait l'immense privilège de nous voir vivre, même nos moments les moins édifiants.
Après ça, allez dire que vous avez lu Proust «juste pour vous», que vous avez teint vos cheveux «pour vous sentir mieux» ou que pour vous, ce qui compte, ce n'est sûrement pas ce que les autres pensent de vous.
Et la discrétion, là-dedans? À une certaine époque, la discrétion était bien vue, ce qui est absurde, puisque qui dit «discret», dit «ne désire pas être vu», ni mal, ni bien. L'être humain est-il donc condamné à n'exister que dans le regard des autres?
Il m'arrive de faire pot de fleurs. J'aime ça, des fois. Ça repose. Je peux observer. Observer les autres qui font leurs shows. Tout le monde aime ça, faire son show. D'ailleurs, demandez à quelqu'un de parler de lui et vous le verrez tout de suite s'animer. Ça ira grandissant. Plus on parle de soi, plus on en jouit. Alors, on parle encore plus. On s'assure d'être remarqué. Des fois, ça dérape. On a l'air fou. On en met trop, on vomit dans le centre de table pendant le discours ennuyant du frère de la mariée. On en ressort autant humilié qu'honoré. Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en.
Je vous le dis, il y a un réel bonheur à se fondre dans le décor, parfois. Pourquoi cette obsession de la visibilité à tout prix? Sommes-nous intéressants au point que chacune de nos pensées soit digne d'être exprimée?
Bon. Je vous laisse là-dessus. Je dois vite aller afficher ce blogue sur ma page Facebook.
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