Demain, ce sera la Saint-Jean-Baptiste, fête nationale des Québécois, qui en profiteront pour boire beaucoup de bière et être fiers, très fiers de leur nation. Il me serait facile de tomber ici dans le cynisme le plus corrosif et de faire du millage sur la notion de «nation», par exemple. Je pourrais aussi mettre de l'emphase sur l'absence de sens de cette fête et commenter sur cette fameuse bière en abusant de mots comme: excès, commanditaires, nés, pour, un, petit, pain et tant d'autres. Je pourrais rappeler que le fameux Saint-Jean-Baptiste, celui de la Bible, a fini la tête coupée ou même en profiter pour égratigner au passage une «nation» qui se veut libre, mais qui confirme son attachement au joug de l'Église catholique en célébrant non pas sa libération, mais un bien Saint homme. Mais non. Je n'en ferai rien. Pas mon genre, pas mon genre du tout.
Non, j'ai annoncé que nous parlerions design et c'est bel et bien de design dont il sera question.
Demain (et ça a commencé aujourd'hui), nous pourrons être témoins d'une des plus grandes réussites du peuple québécois: son sens du design. Tout y est pour mériter notre admiration. Sans rire.
Ce drapeau, ce fleurdelisé, que nous verrons partout est un exemple de bon goût: de facture simple, minimaliste, reconnaissable entre tous les drapeaux. La palette de couleurs est limitée et fort bien choisie. Le blanc pour la pureté et le bleu ciel (en fait, c'est un bleu spécial qui s'appelle bleu Québec) pour un punch visuel rafraîchissant. La croix centrale, contrairement à la croyance populaire, ne rappelle pas l'emprise de la religion sur cette belle province. Non. Elle n'est ni plus ni moins qu'un signe graphique fort bien fait qui nous rappelle qu'ici, nous sommes à la croisée des chemins. Ni américains, ni européens. Ni fermés, ni ouverts. Ni trop ci, ni trop ça. Un peuple de mesure. Les quatre fleurs-de-lys, aux quatre coins, accentuent l'effet de symétrie à axe vertical, sans tomber dans le piège déséquilibré de la symétrie à axe horizontal. Encore une fois, la mesure est au rendez-vous. La fleur même, bien que plusieurs soient tentés de l'associer à la France ou à l'impérialisme français, ne doit être vue que comme une enjolivure simple et facile à reproduire. Les lignes sont épurées. C'est un logo. La fleur n'est plus une fleur. C'est la représentation graphique d'une fleur, qui peut aussi rappeler tant d'autres objets comme une fourche, une banane, une éclaboussure, une épée, un oiseau, une flamme ou un cornet de crème glacée de chez Dairy Queen. C'est à la fois figuratif et ouvert sur l'abstrait. Très québécois. Et il n'y a rien d'autre. Pas d'étoiles, pas de troisième (ou, horreur, quatrième!) couleur, pas de bandes insignifiantes, pas de croissant de lune, pas d'arbre difficile à dessiner, pas de vagues, ni d'ours, ni soleil, ni dragon. Une conception débarrassée des éléments parasites. Un concept libre!
Ce drapeau est graphiquement tellement fort qu'il se décline même sous plusieurs formes: en épinglettes, en verres à bière, en maquillage pour petits et grands, en chapeaux, en glaçage à gâteau et en produits dérivés de toutes sortes.
Par souci d'esthétisme (quoi d'autre?), une grande partie de la population s'habillera même aux couleurs du drapeau: de bleu et de blanc. Un jeans, un t-shirt blanc. C'est simple, accessible et dans le ton. Pour cette fête, nous vivrons enfin dans un monde quasi-duochrome, tellement reposant pour nos yeux, normalement sans cesse sollicités par toutes ces couleurs criardes qui ne vont pas bien ensemble qui teintent le monde qui nous entoure.
Minimalisme, mesure, bon goût, simplicité, graphisme, précision, liberté: voilà de quoi nous serons parés le 24 juin.
Ce sera un vrai hommage au design.
De quoi être fier.
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