dimanche 20 juin 2010

Le besoin du contenant

Il y a une sorte de contenants avec laquelle j'entretiens une relation amour/haine et qui est un besoin dans ma vie, tout comme dans la vie de la plupart des humains de la planète. Ces contenants sont le plus souvent mous et possèdent des formes variées, tout en conservant une certaine constance dans les lignes. Ces contenants contiennent peut-être ce que nous possédons de plus important. Ces contenants nous contiennent nous-mêmes. Je parle bien entendu des vêtements.

Bon. Je me dois probablement d'expliquer ma première phrase, tout particulièrement cette mention de relation amour/haine que j'ai avec les vêtements.

J'aime les vêtements. J'aime bien magasiner pour acheter des vêtements. Je prends un certain plaisir à choisir, à tous les jours (souvent plusieurs fois par jour), ce que je vais porter. J'ai envie d'être contenu serré, aujourd'hui, ou ample? J'ai envie de paraître plus jeune, plus sage, plus viril, plus débonnaire, plus zen, plus sophistiqué, plus carré, plus sportif, plus intello, plus riche, plus prolétaire, plus mince, plus complexe, plus «habillé»? Les vêtements sont là pour créer cette carapace teintée de signes lisibles qui me rapprochera de mon but. J'ai beaucoup de vêtements. Bien sûr, 90% du temps, je ne porte que ce 10% de ma garde-robe qui représente mes vêtements «de tous les jours». Mais il reste ces moments où j'aurai envie d'aller piger, comme un artiste peintre le ferait dans sa palette, des nuances particulières pour exprimer un certain état. Le contenant, c'est ce qui compte. Ça identifie. Un calendrier de pompiers avec des photos de pompiers sans au moins un morceau de leur uniforme de pompier pour identifier les pompiers, ce n'est pas un calendrier de pompiers, c'est un calendrier d'hommes qu'on dit être des pompiers, mais qu'au fond, on ne sait pas vraiment si s'en sont, des pompiers. Mais le vêtement a beaucoup d'autres aspects pratiques. Pour le bénéfice de tous, le vêtement contient. Il contient des parties du corps qui sont parfois mieux d'être contenues. «Grand-père, comme vous avez de grosses couilles», c'est une phrase qui, si elle était dite à table en ce jour de la Fête des Pères, me mettrait mal à l'aise et, je l'espère, vous aussi. Pourquoi tout répandre partout quand il est si bon d'être bien rangé?

Par contre, je dois le dire, je n'aime pas les vêtements. D'abord, il y a une chose qui me chicote avec les vêtements, et ce, depuis longtemps: qui a décidé un jour comment diviser notre corps afin de répartir nos vêtements? Je mets presque quotidiennement, sans y penser, un pantalon, un t-shirt, des bas, des sous-vêtements et des souliers. Mes jambes et mon bassin vont donc ensemble. Mon torse et mes bras aussi. Mes pieds sont à part. Ma tête, le haut de mon cou et mes mains ne sont pas toujours couverts, mais si oui, séparément. Pourquoi cette catégorisation? Je pourrais avoir un vêtement pour mon côté gauche et un autre pour le droit, par exemple. Mes pieds et mes jambes pourraient former un groupe. Mon bassin et le bas de mon torse en formeraient un autre. Je pourrais avoir quatre segments: le devant, le derrière, le dessous et le dessus. Je pourrais être habillé d'une multitude de morceaux de poids égaux, qui s'assembleraient un à un. Je pourrais ne porter qu'un seul morceau. Pourquoi deux couches pour les pieds? Qui a décidé qu'il était correct d'avoir les avant-bras nus, mais pas les parties génitales? D'ailleurs, j'étais sur ma terrasse aujourd'hui et je me disais qu'avec la chaleur qu'il faisait, j'aurais bien pu ne rien porter du tout.

Bref, autant j'aime ce que les vêtements nous permettent de faire et d'exprimer, je suis réticent à accepter cette fatalité qu'est le vêtement. Bon, bon, vous me direz qu'il y a des nudistes («des naturistes» rétorqueraient-ils) et que certaines peuplades ne portent pas de vêtements. Avouez tout de même qu'une très grande majorité de gens en portent, et que ce qu'ils portent, à peu d'exceptions près, finit toujours par se ressembler un peu.

Ce besoin de tout contenir, ça doit être humain, au fond.

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