jeudi 10 juin 2010

Trace

Je comptais ça, aujourd'hui: si je voulais vraiment nettoyer à fond tout ce que je veux nettoyer, j'en aurais pas assez d'une vie. Non, mais... C'est sale! Vous trouvez pas? Partout. Tout est sale.

J'ai dû aller dans une salle de toilettes de centre d'achats aujourd'hui. Crottée. Tout simplement dégoûtante. Ah, oui, le concierge devait être passé quelques minutes avant, avec sa moppe pleine de microbes, ses gants de caoutchouc (je pense toujours à l'intérieur des gants de caoutchouc et je me dis que c'est en les mettant que quelqu'un s'expose au plus grand nombre de microbes - la preuve: c'est quand la dernière fois que vous avez vu quelqu'un nettoyer l'intérieur de ses gants?), ses produits supposément désinfectants qu'il vaporise inégalement, laissant des oasis microbiens survivre allégrement dans les secteurs jamais touchés.

Il y a des taches partout. Des taches pas comme dans les annonces télévisées, en forme de lac des Laurentides, bien définies et la plupart du temps constituées de jus de raisin. Non, les taches qui nous entourent sont plus insidieuses. Leurs contours sont flous. Leur provenance reste inexpliquée. Elles sont tellement partout qu'on ne les voit même plus.

J'ai fait un test sur le plancher, juste sous mes pieds. Avec un kleenex blanc. J'aime croire que je vis dans un environnement propre. Eh bien, j'ai frotté le kleenex sur le plancher (que je croyais propre) et pourtant, le kleenex est ressorti de mon expérience avec des traces grisâtres. Je ne peux que déduire qu'ailleurs, les planchers que je ne crois pas propres sont encore pires. Il y a des zones presque jamais lavées, sur notre planète. Sous certains meubles lourds. Dans des appartements habités par des inconscients ou du monde pas d'allure. Dans la plupart des villes. Même à la campagne. En forêt. Sous l'eau. Toutes ces traces grisâtres, partout, à la grandeur du globe.

Ne vous en faites pas. Je ne suis pas du genre à tout désinfecter, à ne pas oser m'asseoir sur une chaise dans une salle d'attente et à éviter de toucher aux enfants (qui eux, n'hésitent jamais à toucher à tout ce qui passe). Non, non. Je suis équilibré. Je comprends qu'il n'est pas possible que tout soit propre, partout, tout le temps.

Mais je remarque. C'est tout. De toutes façons, quand on lave quelque chose, on ne fait, en fait, que déplacer la saleté. On la met ailleurs. «Rien ne se perd, rien ne se crée», disait mon professeur de chimie en secondaire quatre, à travers sa moustache blanche mais jaunie. Mon kleenex souillé ira faire un tour à la poubelle, puis se retrouvera dans un dépotoir. Je saurai donc que mes traces grisâtres continueront à vivre, parmi tant d'autres traces.

J'aurais aimé terminer sur une note philosophique, du genre: «Ne sommes-nous pas nous même que les traces grisâtres de notre passé?». Mais non. Je n'irai pas là.

Les écrits restent.

Et ce n'est pas le genre de trace que j'ai envie de laisser.

3 commentaires:

  1. je trou-ve ton kleenex plus troué que sali
    je trou-ve ton kleenex bien carré
    est-il issu de ta jolie boîte carrée argentine ?

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  2. Il fallait le voir de proche. Sali. Je l'jure.

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  3. Bien joué Robert! Tout se transforme -- tellement sur le tupperwareblog!

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