lundi 12 juillet 2010

Crimes et châtiments

Certains crimes demeurent impunis. Pourquoi? N'est-ce pas injuste? Le meurtrier sera poursuivi et puni. Le fraudeur aussi. Tout comme le voleur, le vandale, l'exhibitionniste, le violeur, le kidnappeur... On pourra mériter une amende pour un passage sur un feu rouge, pour tapage nocturne, pour crime de guerre, pour urination publique. Seulement, il reste un type de criminel qui, lui, peut vaquer à ses occupations sans aucune préoccupation. Pire, il pourra répéter ses méfaits, jour après jour, nuisant ainsi à plusieurs personnes. Parfois même à toute une civilisation. Son crime? Le mauvais design.

Le crime de mauvais design est un crime extrêmement fréquent. À tous les jours, il m'arrive de me heurter au fruit maléfique du mauvais design. Il y a quelques jours, j'en ai même saigné.

Je voulais verrouiller mon vélo au parc, pour aller à la piscine. Je regarde autour de moi. Tous les arbres sont trop volumineux pour mon cadenas en U. Je me dirige donc vers les supports à bicyclettes, qu'on a installé pour nous, cyclistes. Sauf que ces supports sont ridiculement conçus.

Le concept de ces supports est pourtant simple: on devrait pouvoir avancer notre vélo entre deux structures en tubes métalliques et boucler le tout grâce à notre cadenas en U. Mais non. Ç'aurait été trop simple. Les «designers» de ces supports ont choisi de placer ces tubes recourbés tellement rapprochés les uns des autres qu'une bicyclette normale n'y entre pas. On a alors deux choix: se servir d'un des tubes du bord (mais, bien sûr, ils sont très populaires et sont souvent déjà pris) ou lever notre embarcation à bout de bras pour la remettre en place de façon à ce que le dit cadenas en U puisse enfin rejoindre un des tubes recourbés. Ajoutez à cela un concepteur de pédales qui décide qu'il serait bon d'y ajouter des dents métalliques (comme si aucune autre solution n'existait pour assurer l'adhérence des semelles sur les pédales en question) et vous avez tous les éléments pour une scène de jambe sanguinolente. Pendant ce temps, où sont les designers fautifs? En toute liberté, je vous le dis.

Le crime de mauvais design est sournois. Il s'immisce dans nos vies sans se faire remarquer au préalable, mais nous en sommes tous victimes un jour ou l'autre. Combien de fois avez-vous cassé la minuscule goupille en plastique de vos boîtiers à CD? Il existe pourtant des solutions alternatives, comme des boîtiers en carton, en matières caoutchoutées, en tissu (et que sais-je encore) mais on s'obstine à nous vendre ces boîtes à la chétive charnière en plastique cassant. Montrez-moi un couteau dont le manche n'est pas trop lourd en rapport avec le poids de la lame et qui ne risque donc pas à tout instant de tomber à la renverse tachant ainsi tapis, nappes et pantalons et je vois là un couteau d'exception. La touche «CAPS LOCK», qui nous force à écrire en majuscules, cassant ainsi les oreilles virtuelles de ceux qui nous liront, doit-elle vraiment être aussi large et accessible? NON!!!

Combien de fois devrons-nous tâter des portes du mauvais côté, tourner des robinets dans le mauvais sens, fouiller aveuglément sous des sièges de voitures pour tenter d'ajuster les banquettes, nous ébouillanter avec des pinces pour la cuisine qui conduisent l'eau chaude dans un creux qui mène droit vers notre main, nous épuiser avec des prises USB qui se ressemblent trop d'un côté et de l'autre, soupirer en cherchant l'interrupteur approprié pour un luminaire donné, sentir nos doigts glisser sur des bouchons dévissables trop lisses, nous blesser dans des portes tournantes trop exiguës, nous battre avec des tournevis plats, nous ridiculiser devant des séchoirs à mains automatiques, raccrocher la ligne au nez de maman en frôlant de notre joue la touche qui a pour effet de couper la ligne de notre téléphone cellulaire, nous pincer les doigts dans des portes d'armoires en coin, casser tant d'objets faits de la mauvaise matière, ne pas en repérer tant d'autres pour une simple question de mauvais choix de couleur, hurler après toutes ces choses mal conçues qui nous entourent avant de réagir et de faire payer tous ces irresponsables responsables de ces mauvais designs?!?

Peuple, place à la révolte!

Que tous ces designers se rendent enfin compte de leurs crimes et qu'on les fasse payer! Je ne parle pas ici de peine de mort (c'est un peu drastique), ni même de prison (elles débordent déjà), non plus d'amendes salées (remarquez, ça renflouerait les coffres de l'État), mais bien d'un châtiment qui les ferait réfléchir un peu, question qu'ils y repensent à deux fois avant de plancher sur un autre ouvre-boîte qui nous oblige à tremper dans le jus de thon jusqu'aux coudes. Je parle ici d'une bonne vieille humiliation publique, comme au Moyen-Âge.

Tiens. On pourrait les attacher à des supports à vélo, par exemple.

2 commentaires:

  1. ou leur tremper des bouts qu'on choisirait dans le jus de thon

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  2. Ce serait cruel, mais il n'y a pas de révolte sans un peu de violence...

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