mardi 27 juillet 2010

Ça suffit

Baissons nos attentes, baissons nos attentes!

Se contenter de peu, c'est tout un art, non? Une vieille dame que je connaissais et qui est malheureusement maintenant décédée possédait l'art de se contenter de peu, si peu. Un rien l'étonnait. Elle pouvait s'émouvoir de petites choses, qui, pour la moyenne de la population moderne, semblaient insignifiantes. «It's lovely!», disait-elle de sa voix délicate, en observant le ruban d'un cadeau de Noël. «It's lovely», pour un petit poussin en guimauve à Pâques. «It's lovely», pour un marque-page orné d'une photo de petit chat. «It's lovely» par ci. «It's lovely» par là. «It's lovely, it's lovely, it's lovely!»...

J'ai toujours été fasciné par ce don. C'est vrai, au fond, que c'est «lovely», une fleur qui pousse. Alors, pourquoi, moi, il m'en faut tout un bouquet (et pas n'importe lequel, non: un bouquet design de bon goût à la fine pointe de la technologie florale)? Des fois, je me dis: «Robert, tu te rends pas compte? C'est extraordinaire tout ça, pas vrai?» mais ça sonne faux. Pas assez vrai. Pas assez «lovely».

Je bois en ce moment un verre d'eau gazeuse. En fait, je l'ai avalé presque d'un trait. Le goût minéral de l'eau, la fine texture des bulles, la fraîcheur du liquide cristallin, la beauté toute simple du verre Ikea: tout ça m'a échappé. C'est dommage, mais en même temps, tellement normal.

Je me vois mal, du jour au lendemain, apprécier tout ce qui m'entoure à fond la caisse. J'imagine la scène, en faisant une promenade à vélo:

-Robert, qu'est-c'est qu'tu fais?

-J'observe la beauté de la lumière. C'est beau, hein?

-Justement, 'est verte, la lumière, fait' que pédale!

Toutes les petites choses méritent bien qu'on les apprécie, mais à force de se pâmer devant chaque brin d'herbe, on ne finit pas par baisser nos attentes juste un peu trop?

Je parle de tout ça pourquoi, au fait? Je vais vous dire un secret. Ce soir, j'avais envie d'être paresseux et d'écrire un blogue «concept». J'aurais écrit:

Baissons nos attentes, baissons nos attentes!

Deux phrases, ça devrait suffire, des fois.

Et je vous aurais laissé comme ça. Sans conclusion, sans rien. Mais j'ai eu des remords et j'ai pensé à cette vieille dame. J'ai pensé au plus, au trop, au trop peu, à la satisfaction du travail accompli.

Je pense à ça: tout ceci a-t-il vraiment un lien avec mes thèmes fétiches habituels? Pas sûr. Bon, bon. Disons que la vieille dame, en regardant une petite salière Tupperware rose corail, disait aussi «it's lovely». Ça suffit comme ça?

Non?

Baissez vos attentes, alors. Baissez vos attentes.

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