samedi 28 novembre 2009

La satisfaction du matériel

Au risque d'aller trop loin, j'avance une théorie. Il y a deux sortes de personnes: les matérialistes et ceux qui vivent dans le déni le plus complet de leur matérialisme. Ouch. Ça fait mal, hein?

Bien sûr, je m'explique. Nous percevons notre vie grâce à notre pensée, mais via nos cinq sens. Or, pour toucher, sentir, voir, entendre ou goûter quelque chose, il faut que cette chose soit réelle. Ne pas accorder d'importance au matériel serait donc équivalent à un refus total de vivre. Vous me suivez? Il y a cette tendance à vouloir se rapprocher des "vraies affaires". "L'essentiel, c'est d'être aimé", dit d'ailleurs la chanson. En effet, quoi de plus beau que d'entendre le téléphone sonner quand on sait que l'être cher pense à nous? Un repas en tête à tête, tout simple, avec une bonne bouteille de vin, y'a que ça de vrai! Sous les draps, le contact chaud de la peau de la personne qui compte pour nous est une pure merveille. Une discussion entre amis, sur nos voyages, nos lectures, nos rêves, ça nous rappelle l'importance du contact humain. Pour toutes ces "vraies affaires", la facture monte donc à: deux téléphones, un jean avec des poches pour le cellulaire, une table basse pour l'autre appareil, plusieurs poteaux de téléphone, du fil électrique, des satellites de transmission, des tours de transmission, un bureau chef pour la compagnie de téléphone (avec un comptoir en formica pour le lobby, des chaises de bureau, des ordinateurs, des fenêtres, des portes, du tapis mur à mur, un ficus à l'entrée pour faire joli), une lampe pour voir où se trouve la table du téléphone, un plancher pour tenir la lampe et la table, de la colle pour fixer les lattes du plancher, des contenants de plastique pour contenir la colle, de l'encre pour imprimer "colle" sur les contenants, une imprimerie, du Windex pour nettoyer le téléphone de temps à autres, du papier essuie-tout. Ensuite, il faudra: une table, deux chaises, une nappe, un chandelier, des chandelles, une planche à pain, un couteau à pain, du beurre, des couteaux à beurre, des assiettes, un plateau à fromages, un porte-feuille pour contenir l'argent pour payer le pain, une voiture (ou une bicyclette) pour se rendre à la fromagerie, du sable pour fabriquer le verre de la bouteille de vin, du papier pour l'étiquette du vin, un baril de chêne, des outils pour cultiver la terre où poussent les raisins, un système d'irrigation, un autre téléphone (ou un ordinateur) pour faire les contacts avec les distributeurs du vin, deux verres, un tire-bouchon, une usine à tire-bouchons, un camion de livraison pour distribuer les tire-bouchons, des boîtes de cartons, une caisse enregistreuse pour le magasin où on a acheté le tire-bouchon, un camion pour envoyer la caisse enregistreuse au magasin, un bol de toilette pour ce qui adviendra du repas simple d'ici quelques heures, des tuyaux, des tuyaux, beaucoup de tuyaux. Ce n'est pas tout. Il manque: des draps, des oreillers, un matelas, un couvre-matelas, des taies d'oreillers, deux brosses à dents pour se brosser les dents avant d'aller au lit, un lavabo, encore des tuyaux, des murs, des vis pour fixer le gypse sur les murs, des casques de construction pour les ouvriers qui ont fixé le gypse, des bottes de travail, des lacets pour les bottes, des petits bouts de plastique pour les lacets, des boîtes à lunch pour la pause midi, du papier d'emballage pour le sandwich, des Tupperware pour le dessert, des bouteilles d'eau, des canettes de Coke, des chapeaux de paille pour protéger les têtes des cultivateurs de café qui servira à extraire la caféine qui est contenue dans le Coke, des machines agricoles pour le café, d'autres pour la paille, des avions pour envoyer le café à l'usine de Coke, au moins une table de chevet pour mettre à côté du lit, une poignée pour ouvrir le tiroir, une vis pour tenir la poignée, du détersif pour laver les draps, une bouteille de plastique pour contenir le détersif, une machine à laver, des dépliants publicitaires pour vendre la machine à laver, une porte pour fermer la chambre, un appartement pour tenir la porte, un édifice pour tenir l'appartement, une rue pour se rendre à l'appartement, de la peinture pour tracer les lignes dans la rue, des pots pour la peinture, des boîtes pour les pots, des palettes pour les boîtes, des étagères pour les palettes, des entrepôts pour les étagères... Si seulement ça s'arrêtait là. Je me dois de mentionner: des vêtements pour ne pas mettre nos amis mal à l'aise en discutant, des téléphones (encore) pour rejoindre les amis, des crayons pour écrire nos numéros de téléphone, des petites effaces roses pour aller au bout des crayons, des bagues de métal pour joindre la partie crayon à la partie efface, des hôtels pour abriter les amis en voyage, des clochettes pour avertir le concierge, des ascenseurs, des boutons lumineux pour indiquer les étages, des appliques murales pour éclairer les couloirs, une machine à glaçons, un minibar, un lit, une télévision, des tuiles de douche, des tuyaux (!!!), des serviettes, des écriteaux pour demander à la distinguée clientèle de bien vouloir remettre les serviettes sur les porte-serviettes car à chaque année plus d'un million de serviettes sont lavées inutilement dans les hôtels ce qui a un effet néfaste sur nos lacs et nos rivières, des fourgonnettes, des avions, des petits chariots pour passer les boissons dans les allées des avions, des ceintures de sécurité, des vestes gonflables en cas d'amerrissage, des cartons explicatifs pour cette improbable situation, des livres, des appareils photo pour illustrer la couverture des livres, des piles pour le flash, des emballages pour les piles, des bureaux pour les éditeurs des livres, des lampes de bureau, des ampoules électriques, des talons hauts pour les secrétaires des éditeurs, des outils pour tanner le cuir des souliers, des fabriques pour les outils, des usines pour fabriquer les outils qui serviront à fabriquer les fabriques d'outils, des lampes de lecture, des marque-page, des fauteuils de lecture, de la pellicule plastique pour ne pas salir les fauteuils à la livraison, des casquettes pour identifier les livreurs, des camions de livraison de meubles, des réservoirs à essence pour faire avancer les camions, des stations-service, des pompes à essence, des paravents pliants pour le salon spécialisé pour les propriétaires de stations-service qui recherchent la fine pointe en ce qui concerne les pompes à essence, des toilettes pour les exposants du salon, des urinoirs, des tuyaux (non!!!) et, pour rêver, des magasines, des studios de cinéma, des télévisions, des stylos pour écrire, des jouets pour nous stimuler lorsque nous sommes enfants, des instruments d'obstétrique pour nous permettre de naître, des téléphones pour que nos parents puissent se donner rendez-vous, des repas, des chandelles, des draps... Ouf!

Si seulement je pouvais affirmer avoir fait une liste exhaustive du matériel nécessaire à ces quelques moments de bonheur (le bonheur, un autre beau sujet), je pourrais céder, admettre que ce ne sont que détails superflus. Je m'y refuse. Car la liste - vous le savez très bien - pourrait s'allonger encore et encore.

2 commentaires:

  1. Sans doute la plus longue phrase que j'ai lue.
    Que les draps, et les tuyaux bien sûr, s'y retrouvent plus d'une fois.

    Czin

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  2. Oui, les tuyaux, les tuyaux!!! Je me réveille la nuit pour penser à tous les tuyaux enfouis partout autour de nous et sous nos pieds!

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